2021 M09 21
Voulant compenser la pollution que ses millions de voitures et usines rejettent, l’Inde a tenté une reforestation massive en 2017 : en 12h, 1,5 millions d’Indiens ont replanté 66 millions d’arbres. Rebelote en juillet 2020 où 2 millions de volontaires ont mis en terre 250 millions d’arbres. Une démonstration de force (et de solidarité) que peu de pays peuvent hélas imiter et qui pose la question : à partir de combien d’arbres plantés compense-t-on réellement les émissions ? Car sans chiffre, le risque existe d’une reforestation de façade, à seule fin de greenwashing. Pour qu’on puisse placer le curseur, des chercheurs ont fait le calcul.
Un arbre, comment ça marche ?
Les arbres produisent de l’oxygène, c’est bien connu. Concrètement, ils absorbent le dioxyde de carbone nécessaire à leur croissance, puis rejettent de l’O2 qu’on inhale. Combien ? C’est compliqué tant de nombreux facteurs entrent en jeu : l’essence de l’arbre, sa taille, mais aussi le climat qui l’entoure… Les botanistes pourront aller les comparer ici, on se contentera de dire que c’est la masse de l’arbre qui va définir sa capacité de stockage.
Pour faciliter les choses, le calculateur d'émissions Carbonify retient une moyenne : 5 arbres dans le monde absorbent l’équivalent d’une tonne de CO2. Soulignons que l’âge aussi entre en ligne de compte dans cette mission : plus il est vieux, plus l’arbre a déjà stocké et a besoin de carbone. Autant dire qu’on a plus besoin de conserver nos forêts que d’en planter de nouvelles, mais allez expliquez ça aux industries de la déforestation… Maintenant qu’on a une base de calcul, c’est côté émissions qu’on a besoin de valeurs.
Quiz : quelle ville pèse 75 millions de tonnes de CO2 par an ?
En 2019, un collectif de 17 chercheurs du monde entier a recoupé les émissions et gaz à effet de serre (GES) de 343 villes, émanant des industries, des transports et des centrales énergétiques. Leur « Atlas mondial des émissions de carbone » confirme que les pays ayant la plus lourde empreinte carbone se situent majoritairement en Asie : Pékin (75 millions de tonnes de CO2 par an) Singapour et Hong Kong culminent sur ce podium noir podium, suivis de près par Tokyo et Séoul. A elles 5, ces capitales rejettent conjointement chaque année près de 220 millions de tonnes de CO2.
A new @gcarbonproject CO2 emissions dataset for 343 cities with lots of ancillary data to study drivers and why emissions are so different @ScientificData Jan2019 pic.twitter.com/ZS0FTdkl2U
— GlobalCarbonProject (@gcarbonproject) April 15, 2019
En Europe, la pire ville sur le plan des GES est Londres, 9e au classement avec 20 millions de tonnes. Madrid arrive 19e à 6,7 millions de tonnes, Milan 21e (3,7 Mt CO2) et Paris 23e (3,36 Mt CO2)… Conscient qu’il est temps de compenser ces méfaits, chacun s’active : Paris a budgétisé d’implanter 10 000 arbres ces prochaines années et Lyon s’engage à planter 3000 arbres par an. Reste à savoir si cela suffit et c’est ce que synthétise le site CompareTheMarket.
Amis Chinois, sortez les pelles ; il faudra planter 15 millions d’arbres par an pour compenser l’empreinte carbone de Pékin. Oui oui, chaque année. Londres va devoir trouver la place sur son île pour 4,1 millions de plants et Paris devrait plutôt réaligner son budget pour acquérir 671 000 arbres… Les chiffres manquent pour évaluer le pays entier mais d’emblée, ces résultats donnent le vertige.
Applaudissons au passage la performance de l’Islande : avec 346 000 tonnes de CO2 annuelles, Reykjavik n’a besoin « que » de 69 000 arbres de plus dans ses forêts. Ce qui soulève une question pratique : est-il vraiment possible de planter autant d’arbre ? A-t-on encore de l’espace ?
Planter oui, mais où ?
Le CIRAD estimait en 2019 qu’on pouvait planter 1200 milliards de jeunes pousse sur Terre. Et le spécialiste de l’environnement suisse Thomas Crowther qui a calculé la masse totale de forêt sur la planète déclarait : « Si tout le monde se mettait à planter des graines un week-end sur deux, je pense sincèrement qu’on pourrait arriver [à atténuer le réchauffement climatique]. »
Chercheur à l’Institut du développement durable, Frédéric Amiel se veut plus pessimiste en rappelant le poids de la déforestation : « replanter des arbres pour eux-mêmes les recouper n’aura pas ce rôle de stockage de carbone, puisque celui-ci sera relâché dans l’atmosphère lors de la coupe. Il faut laisser les arbres tranquilles pendant des centaines d’années ».
En conclusion, disons que la reforestation est notre meilleure arme pour combattre le réchauffement climatique mais qu’elle ne peut pas être la seule. A ce titre, il sera toujours plus efficace et moins coûteux de ne pas émettre que de compenser du dioxyde de carbone.
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