

Plutôt Sandrine Rousseau ou Yannick Jadot ? Avant 2022, on refait le match des candidats "verts"
Ils incarnent chacun un pôle bien identifié de la mouvance verte : l'"écoféministe" Sandrine Rousseau et "l'écolo pragmatique" Yannick Jadot. Mais qu'est-ce qui les distingue vraiment ? On passe en revue leurs points communs et leurs différences.
2021 M09 24
L'eurodéputé Yannick Jadot et l'économiste Sandrine Rousseau, les deux vainqueurs qualifiés il y a quelques jours pour le second tour de la primaire écologiste (avec 27,70 % et 25,14 % des voix), s'affronteront du 25 au 28 septembre pour représenter le parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) à l'élection présidentielle de 2022.
Ils incarnent chacun un pôle bien identifié de la mouvance verte : l'"écoféministe" Sandrine Rousseau est proche (idéologiquement) de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, crédité d'environ 11 % dans les sondages. L'eurodéputé Yannick Jadot incarne, lui, une écologie pragmatique, proche de la probable candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo, créditée à ce jour de 7 à 8 % des voix.
Mais qu'est-ce qui, dans leur programme et leurs conceptions, les différencie ?

Yannick Jadot, "le vert pragmatique et réaliste"
Bien que les deux candidats EELV soient considérés comme "radicaux" par une immense majorité de la droite, Yannick Jadot passe pour le plus pragmatique et réaliste des deux. À ce sujet, les deux finalistes ont déjà échangé de nombreuses piques sur leur conception du changement et de l'environnement, notamment mercredi 22 septembre, lors d'un débat organisé par LCI.
Pour l'eurodéputé Jadot, l'écologie a en effet pour mission de rassembler plutôt que de cliver : "Si on veut emmener toute la société, je veux travailler avec les syndicats, les entrepreneurs, les paysans, les citoyens, pour qu’il n’y ait pas une coalition du refus", répète-t-il à qui veut l'entendre.
« La vraie radicalité, c'est de rassembler. »
Il se dépeint en homme de terrain, avec ses combats passés au Parlement européen ou comme directeur de Greenpeace France. "La vraie radicalité, c'est de rassembler", a-t-il déclaré, le jeudi 23 septembre, lors de son dernier meeting parisien avant le second tour.
Dans son programme, il propose par exemple d’investir 20 milliards d’euros par an pour la transition écologique, "de sortir progressivement de l’élevage industriel", de revaloriser le RSA et d'instaurer un revenu citoyen. À la différence de Sandrine Rousseau, il ne se dit ni "décroissant", ni anticapitaliste. Il est même plutôt opposé à ces nouveaux courants de pensée issus de "l'écologie totale", que l'on retrouve à gauche et dans certaines franges de la droite.
S'opposant à une radicalité qui se veut "clivante", "qui prétend être une subversion", et qui "est en réalité d'une pathétique banalité", il a estimé jeudi 23 septembre au soir que "la vraie radicalité, c'est de rassembler, d'additionner les différences, d'aller chercher les Français là où ils sont, avec leurs doutes".
"La France est plus belle, La France est plus forte que les Zemmour, que les rageux, les haineux, qui considèrent qu'un Mounir n'a plus sa place dans notre pays", a-t-il dénoncé. "Cette campagne pour la présidentielle, nous allons la mener ensemble avec tous les candidats et candidates, avec Delphine Batho, Eric Piolle et Sandrine Rousseau". Preuve qu'il souhaite déjà ramener sa dernière concurrente sous sa bannière.

Sandrine Rousseau, "la fusée progressiste et radicale"
Ce que l'on retient le plus souvent du programme et des sorties de Sandrine Rousseau, devenue un animal médiatique omniprésent en quelques mois (même si elle s'était illustrée durant #MeToo), sont ses mesures les plus radicales. Elle veut par exemple sortir du nucléaire, appuyer la création d'un crime d’écocide, remettre au centre des discussions la semaine de 4 jours, atteindre un objectif français de 100 % d’énergie renouvelable produite d’ici à 2050…
Économiste de formation, la candidate finaliste assume cette radicalité : "Je ne vois pas au nom de quoi on s'excuserait d'être une écologiste radicale, vu l'ampleur du défi face à nous, je ne vois pas au nom de quoi je m'excuserais d'être une écologiste de gauche, dans la mesure où la crise sociale gangrène notre société", a-t-elle expliqué jeudi 23 septembre lors de l'émission À l'air libre, diffusée sur Mediapart.
Pour elle, "la radicalité fait gagner. Aujourd'hui, on a besoin de retrouver des valeurs, de retrouver pour quoi on se lève le matin, de retrouver une envie de faire des choses, une envie de faire de la politique, une envie d'aller au travail, une envie de vivre".
Ces dernières semaines, certaines de ses petites phrases ont créé des polémiques sur les réseaux sociaux, à l'image de l'évocation de son mari, un homme "déconstruit", jeudi matin. Un "wokisme" que la droite n'hésite pas à tacler. Surtout que Sandrine Rousseau fit donc partie, en 2016, des débuts du mouvement #MeToo, durant lequel elle accusa, entourée d'autres femmes, Denis Baupin, à l'époque vice-président EELV de l’Assemblée nationale, de harcèlement et d’agressions sexuelles. Un "crime féministe" que ne lui ont pas pardonné les masculinistes.
Quelqu'un comme Emmanuel Macron n'a pas déconstruit les discriminations. Et c'est un problème.
— Sandrine Rousseau 🌻🌊 (@sandrousseau) September 23, 2021
La déconstruction est une démarche personnelle, ça demande du temps, des lectures, et une volonté aussi de déconstruire les a priori que nous pouvons chacun·e avoir. pic.twitter.com/cl8cqKVxvP
"L’écologie, ce n’est pas des hommes blancs à vélo", enfonce-t-elle. "Notre système économique, social et sociétal est fondé sur le triptyque : nous prenons, nous utilisons et nous jetons. Le corps des femmes, le corps des plus précaires dans la société, le corps des racisés. Nous ne voulons plus de ce système-là."
Face à la multiplication des candidats à gauche, elle dit vouloir "discuter avec tous les partenaires de gauche et essayer de faire une candidature unique". Elle rejoint donc son adversaire du moment sur ce point. Tout en précisant : "il n'y a pas d'équation aussi évidente qu'on le présente parfois". Jeudi soir sur Mediapart, elle regrettait surtout que la gauche et les écologistes aient "perdu des batailles culturelles" face à l'extrême droite. Là aussi un point de convergence avec Yannick Jadot. Les ennemis communs, ça rapproche.

Deux visions opposées des enjeux environnementaux
Deux visions du monde, de la planète et des enjeux environnementaux s'affronteront donc dans quelques jours. Au-delà de la différence de personnalités, ce deuxième tour de la primaire EELV, qui aura lieu en ligne du 25 au 28 septembre (pour les 122 000 électeurs verts inscrits), opposera "une écologie de gouvernement prête à assumer ses responsabilités" (comme la décrit Yannick Jadot) et une écologie "de gauche, radicale, sociale" (comme la qualifie elle-même Sandrine Rousseau). Le match promet d'être serré et passionnant.