

Faut-il protéger les arbres centenaires comme on protège les œuvres d'art ?
Récemment, le débat sur le destin des arbres centenaires de la Tour Eiffel a remis sur le devant de la scène la place des arbres dans nos paysages. À l'heure où la préservation de l'environnement est essentielle, certains estiment qu'il faudrait pouvoir sanctuariser les arbres remarquables du pays pour s'assurer qu'ils puissent vieillir comme des œuvres d'art.
2022 M06 7
C’est une victoire pour les défenseurs des arbres. Dans son plan de réhabilitation des abords de la Tour Eiffel, la mairie de Paris avait prévu d’abattre une vingtaine d’arbres centenaires afin de laisser place à un projet d’envergure. Mais après une mobilisation d’écologistes et de défenseurs de la nature, la Mairie a décidé de réorienter son projet. Les arbres centenaires de la capitale sont sauvés. En tout cas, pour le moment.
Car en France, les arbres remarquables ne sont pas protégés en tant que tels par la loi. Faisant partie de paysages naturels, ils peuvent bénéficier indirectement de la protection juridique de ceux-ci, par exemple pour les arbres qui sont présents dans des réserves naturelles. Mais pour ceux qui vivent en zones urbaines, il n’y a aucune protection légale qui existe. Or, à l’heure où les préoccupations environnementales occupent le débat public, il est peut-être temps que notre société s’empare de ce sujet.
De précieux alliés
D’abord, parce que les arbres sont nos principaux alliés dans la lutte pour réduire les gaz à effet de serre. Par leur nature, ils absorbent le dioxyde de carbone, ce qui en fait des “puits de carbone” dont nous avons besoin. Ils ont aussi un rôle essentiel pour réduire les îlots de chaleur urbain et permettre aux villes d’être plus résilientes au réchauffement climatique. Ils permettent également de réduire les risques d’inondation en rendant les villes perméables. Ensuite, leur rôle est également essentiel pour la préservation de la biodiversité, notamment pour les oiseaux et les insectes qui y trouvent refuge et nourriture.
En outre, le rôle pour le bien-être des populations n’est pas neutre : de nombreuses études tendent à prouver que le contact avec les arbres permet de réduire le stress et d’améliorer le bien-être. Aussi, de plus en plus d’associations réfléchissent à une manière de mieux protéger les arbres.

Un label pour protéger les arbres remarquables
L’association ARBRES a créé en 2000 le label « Arbres Remarquables » afin de protéger et distinguer ces arbres. Un arbre remarquable étant un arbre qui, par son âge, sa taille et sa place dans l’histoire, mérite d’être particulièrement protégé. S’il n’a pas de qualité juridique, ce label permet au moins de recenser ces arbres et de leur donner plus de visibilité. C’est une première étape intéressante pour leur protection.
Et cela fonctionne : en 20 ans, l’association a attribué 750 certifications à des arbres remarquables et aucun de ces arbres n’a été détruit. Pour bénéficier du label, l’arbre doit présenter certains critères : présenter une morphologie ou une physionomie atypique ; ou encore présenter un fonctionnement biologique original. C’est aussi l’âge qui joue puisqu’ils sont en général âgés de plusieurs centaines d’années.
Ce procédé, qui consiste à labelliser des arbres, peut faire penser à ce que l’Unesco propose, par exemple, pour protéger des bâtiments anciens. L’Unesco inscrit d’ailleurs récemment des forêts à son “patrimoine mondial”. En France, une protection juridique est également accordée aux bâtiments qui font partie du patrimoine culturel de la nation. Une protection qui, à l’image de ce label, pourrait être étendue aux arbres remarquables à l’avenir.

Doter la nature d’un rôle juridique ?
En Nouvelle-Zélande, les défenseurs de l’environnement sont allés plus loin en matière de protection de la nature. Là-bas, le fleuve Whanganui, qui coule sur 290 kilomètres dans l’île du Nord, est un fleuve sacré pour les Maoris, les tribus originelles de l’île. Alors, pour faire cesser son exploitation, le parlement néo-zélandais a accordé une personnalité juridique à ce fleuve : il peut désormais porter plainte contre ses agresseurs au tribunal comme n’importe quelle entreprise ou individu.
D’autres pays ont également attribué des personnalités juridiques à leurs nature. C’est le cas du lac Erié aux États-Unis, ou encore de la rivière du Magpie au Québec. En France, en 2021, une association Suisse a lancé un appel pour doter le Rhône d’une personnalité juridique afin de mieux protéger le fleuve. L’idée étant de préserver “sa biodiversité et lutter efficacement contre les projets qui détruisent sa nature et l’empêchent de s'épanouir”.
Une logique qui pourrait donc aussi s’appliquer aux arbres dans les années à venir afin d’aider les collectivités à préserver leur patrimoine écologique.