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Dans presque toutes les villes de France, le déconfinement a été l’occasion de voir apparaître de nouveaux aménagements urbains : des pistes cyclables temporaires, des places de stationnement utilisées pour élargir les trottoirs, des bandes de scotch dans les magasins ou encore des formes peintes sur les quais des gares et des stations de métro pour faire respecter la distanciation sociale…
La crise sanitaire nous a obligé à faire preuve de créativité et pour cela, nous avons eu recours à ce qu'on appelle l’urbanisme tactique. C'est une méthode très répandue sur le continent américain et qui se développe de plus en plus par chez nous.
Son but ? Permettre aux citadins de se réapproprier la ville, de créer des espaces de bien-être à l'échelle d'une rue ou d'un quartier. Des bulles éphémères et collaboratives qui, parfois, aboutissent à des aménagements pérennes.
Une tendance qui trouve sa source au Brésil, dans les années 80, avec une méthode appellée l'acupuncture urbaine.
« Je crois que la magie de la médecine peut et devrait être appliquée aux villes. »
L'acupuncture urbaine est imaginée et développée par l’architecte et urbaniste brésilien Jaime Lerner dans les années 1980-1990, alors qu'il est maire de la ville de Curitiba et qu'il recherche une manière de redynamiser les favelas de sa ville.
Pour renforcer le sentiment d’appartenance à la ville et renforcer le plaisir de ses habitants à y vivre, il se concentre sur des initiatives très locales, poussées par les habitants, sur de petites améliorations urbaines, avec des matériaux low-cost, que l'on va tester sur des temps très courts pour faire évoluer une rue ou un quartier.
Il s'agit de “faire réagir la ville en donnant un petit coup de pouce à certaines zones pour aider à la guérison et créer une réaction en chaîne“ précise à l'époque l'architecte maire. Un concept qui séduit sa population et amène à de nombreuses initiatives comme par exemple le concept de "rues portables" qui consiste à dynamiser une rue en y amenant des commerces ambulants inspirés des bouquinistes parisiens.
Une nouvelle manière de concevoir la ville
Entre 2010 et 2015 ce concept est repris et théorisé par un urbaniste américain, Mike Lyndon, qui parle alors “d’urbanisme tactique” pour caractériser la rupture entre l’urbanisme classique, à grande échelle et sur un temps très long, par rapport à cette appropriation rapide par les habitants de leurs quartiers.
C'est aujourd'hui l'un des modèles privilégié par les villes en transition. Un exemple français avec la ville de Montreuil qui a testé pendant quelques mois, à l’été 2017, la piétonisation de l’avenue Paul Langevin. Pendant les grandes vacances, les habitants ont donc pu investir cette avenue et créer des jeux pour les enfants et des espaces de convivialité. Une piste d’apprentissage du vélo a aussi été mise en place. Un dispositif qui a séduit les habitants. Après quelques mois de concertation, notamment avec les automobilistes et riverains, le dispositif a finalement été rendu permanent par la ville.
C’est aussi de cette manière que Times Square a été piétonnisé en 2010 suite à une éxpérience effectuée durant l’été 2009, où des chaises de plage ont recouvert la place pendant quelques semaines. Face à l’engouement des new-yorkais et après avoir prouvé que la mesure n’allait pas amener davantage d’embouteillages, Times Square est devenue une zone piéton.
Les places de parking comme lieu de créativité
Le Parking Day est un autre exemple d’urbanisme tactique. C'est une initiative lancée à San Francisco par le collectif Rebar, devenu rapidement populaire dans le monde entier. Elle consiste en une occupation éphémère, généralement pendant 24h, des places de stationnement par les habitants d’une ville.
Les places de parking sont ainsi transformés en espaces conviviaux, artistiques, végétalisés. Ils deviennent des endroits de partages et de rencontres. Et mènent parfois à des aménagements pérennes.
D’ailleurs, il y a quelques semaines, la mairie de Paris, qui souhaite supprimer la moitié de ses places de parking en surface, a lancé une consultation pour que les parisiens et parisiennes puissent se réapproprier ces espaces et les transformer en aires de jeux, pistes cyclables, terrasses ou encore carrés végétalisés.