Rendre les zoos et les aquariums plus éthiques, est-ce vraiment possible ?

Face aux exigences toujours plus élevées d’un public désormais sensibilisé aux enjeux du bien-être animal, zoos, aquariums et autres réserves animales doivent se réinventer.

La façon dont on montre des animaux "en cage" a grandement évolué au fil des années. Les institutions tentent de plus en plus de jouer leur rôle dans la préservation de la biodiversité, du moins en apparence. Plus attentives au bien-être de leurs pensionnaires, elles redoublent d’inventivité pour mêler profit à un véritable respect des conditions de la vie sauvage.

Bien sûr, certains militants de la cause animale ne verront jamais d’un bon œil la présence d’être animés derrière des barreaux, aussi luxueux soient-ils. Dès lors, comment concilier le rôle éducatif des zoos et aquariums avec les critiques qui les considèrent anachroniques ?

"Les zoos ont été créés par l’être humain afin qu’il puisse entrer en contact avec des animaux. Sans cette relation, nous perdrions tout intérêt à les protéger", résumait récemment dans Alex Rübel, directeur du zoo de Zurich, dans le journal suisse Le Temps. En France, comment s’accommode-t-on avec ce casse-tête ? Montrer pour protéger, quitte à enfermer, ou laisser en liberté pour respecter, au risque de voir disparaître des espèces ? Telle est la question éthique.

"Conservation du patrimoine génétique"

Le Parc des Félins, qui héberge 200 animaux dans un domaine de 70 hectares à Lumigny-Nesles-Ormeaux, en Seine-et-Marne, a trouvé un semblant de réponse : ce dernier table sur le bien-être animal pour que ses pensionnaires soient les meilleurs ambassadeurs de leur espèce.

Situé à une cinquantaine de kilomètres de Paris, ce parc zoologique, a une philosophie et un code éthique très poussé en faveur des animaux. "Le bien-être animal va s'amplifier pour les parcs zoologiques. On a un rôle à jouer pour la conservation des espèces", explique Patrick Jardin, son fondateur. Depuis 2006, le parc abrite une trentaine d'espèces, du plus petit, le chat rubigineux (900 grammes sur la balance) au plus grand, le tigre de Sibérie, pesant plus de 300 kilos. Plusieurs espèces présentées sont menacées d'extinction dans leur milieu naturel.

"Ici on n'expose pas les animaux, on invite les visiteurs à entrer dans leur monde", revendique-t-on. Dans des enclos de plusieurs hectares, des lions, tigres, panthères ou encore léopards, pas de bitume, mais une végétation riche : des ronciers, des grands arbres, des buttes en terre, des troncs couchés au sol pour qu'ils fassent leurs griffes et des points d'eau.

« Aujourd'hui, 90 % des animaux sauvages se reproduisent en captivité. »

"On crée des enclos qui reproduisent les besoins physiologiques des animaux. Une vision que l'on aurait dans la nature. On respecte un texte de loi qui stipule que les animaux doivent avoir une ou plusieurs caches pour se soustraire de la vue du public", note le gérant.

Ici, les naissances sont très réglementées, comme celles des bébés chats des sables, qui attirent les curieux. Chaque année, seules trois ou quatre femelles seront autorisées à se reproduire. Selon Patrick Jardin "aujourd'hui 90 % des animaux sauvages se reproduisent en captivité. Une famille sur deux est sous contraceptif. On ne reproduit que si on sait que deux ans après, il y a aura un placement au sein du programme européen d'élevage".

"C'est une grande bourse d'échanges. Il n'y a aucune notion d'argent et personne n'a la propriété des animaux", révèle-t-il. Les zoos modernes "travaillent à la conservation du patrimoine génétique de chaque espèce pour que nos enfants et petits-enfants connaissent le même tigre que l'on a connu", précise-t-il.

Prêts ou locations d’animaux ?

De nombreux parcs et zoos contribuent à des programmes internationaux de conservation avec des pays partenaires, qui n’auraient pas forcément les moyens de sauvegarder certaines espèces menacées ou utilisent des animaux emblématiques pour communiquer autour du monde sur l’importance de la conservation.

Des échanges ont souvent lieu; l’un des plus connus étant celui du Parc Zoologique de Beauval (Loir-et-Cher), qui, en 2012, a reçu en "prêt" la femelle Huan Huan et le mâle Yuan Zi, de la part de la Chine. À la fois élément de soft power du géant chinois et manne financière, vu qu’ils sont en réalité loués pour environ 750 000 euros par an (et que les bébés répartiront également en Chine un jour), peuvent-ils être considérés comme une opération éthique ? "Les fonds servent à financer la protection de l’espèce en Chine. La population de pandas sauvages avait en effet été divisée par deux entre les années 1970 et les années 1980", expliquait Le Monde en 2017. De quoi rassurer sur les intentions du pays asiatique.

On peut aussi imaginer des zoos du futur… sans animaux. La réalité virtuelle, les hologrammes, les visions en 360°, pourraient permettre de se plonger dans "la vie des bêtes" d’une manière plus réaliste que dans un enclos.

"Si une otarie n'a pas envie de se montrer, nous ne la poussons pas à sortir avec une lance à eau"

Rouvert en 2014 après une rénovation complète, le Parc Zoologique de Paris, au bois de Vincennes, s'est étoffé : son décor végétal a poussé, les animaux sauvages y sont plus nombreux. Créé en 1934, le zoo, célèbre pour son Grand Rocher, était devenu très vétuste. Sa refonte, qui a conduit à le fermer pendant plus de cinq ans, avait coûté quelque 170 millions d'euros.

Tout a pourtant été repensé en 2018. "Nous avons choisi de redémarrer de zéro", explique Alexis Lecu, directeur scientifique du zoo, qui s'étend sur 14 hectares. La visite se présente comme un "voyage" à travers cinq "biozones" (Patagonie, Sahel-Soudan, Amazonie-Guyane, Europe, Madagascar) reconstituant le milieu naturel des différentes espèces.

Mais malgré ces efforts et l’objectif de 1,4 million de visiteurs par an, la fréquentation a fortement baissé au fil des années, sans doute à cause à l’image de vieux zoo "traditionnel" du parc. De 912 000 visiteurs en 2015, elle est passée à 760 000 en 2016 et 650 000 en 2017. "Mais pas question d'installer une grande roue ! On ne va pas transformer le zoo en parc d'attraction, même si on peut faire quelques concessions", avertit le patron du Muséum.

"Nous n'organisons pas de spectacles avec des rapaces, nous ne forçons pas les animaux à se présenter devant le public. Si une otarie n'a pas envie de se montrer, nous ne la poussons pas à sortir avec une lance à eau. C'est le zoo du Muséum. Il se doit respecter une éthique. Il est en outre porteur d'un message scientifique", notamment sur la conservation des espèces.

Les choses sont donc en train de bouger un peu partout en France : en juillet 2020, les parcs et zoos français membres de l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ) ont signé un nouveau code d’éthique, qui décline une liste d’obligations auxquelles ils doivent s’astreindre. En première ligne, vie sauvage et biodiversité comme fers de lance d’une certaine éthique.

Cinq libertés fondamentales pour la faune sauvage et domestique figurent tout en haut de la charte : "absence de faim et de soif", "absence d’inconfort", "absence de douleur, de lésions et de maladie", "liberté d’exprimer un comportement normal", "absence de peur et de détresse". Tout un programme, qui devrait améliorer les conditions de vie des animaux dans de nombreux établissements français.

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