2022 M06 9
Faire paître des bisons dans les plaines, croiser des lynx dans nos forêts et des rennes à l’orée… Cela ressemble à une carte postale idyllique pour vous, ou à une vision de cauchemar ? De toute façon, cela ne risque pas de vous arriver de sitôt puisque toutes ces espèces sont menacées d’extinction selon la Convention de Washington de 1973 qui encadre leur commerce et conservation.
À moins que l’on ne suive les préconisations d’un groupe de chercheurs qui veut les réintroduire massivement. Il s’agit d’un groupe de scientifiques du Centre mondial de surveillance pour la conservation de la nature (en anglais, le WCMW), qui tient des bases de données environnementales avérées pour le compte de l’UNESCO. Ils ont constaté que la raréfaction – voire la disparition – d’espèces a une influence directe sur le milieu où ces animaux vivent. Et vice versa.
Our new paper on large mammal restoration is out! https://t.co/qtV0DExpl2
— Joe Gosling (@JoeGosling2) February 1, 2022
Loup y-es-tu ? M’entends-tu ?
Ces chercheurs ont en particulier analysé un phénomène : celui de la réintroduction du loup gris (le canis lupus) auquel le parc national du Yellowstone a procédé au mitan des années 1990. Par ses interactions avec le milieu (ce qu’il mange, où il défèque...) et avec ceux qui y vivent (prédation, cohabitation), la présence du loup a participé à remodeler son environnement en seulement 25 ans.
Certains animaux proliférants fuient, d’autres retrouvent un cadre pour se développer et la flore reprend aussi des couleurs… Ou, comme le résume, le rédacteur de leur rapport : « Réintroduire une seule espèce manquante de cette écorégion a eu, et a encore, un énorme impact positif sur les populations d'autres espèces, comme les castors ».
Et alors ? Puisqu’en restaurant une chaîne alimentaire complète, on aide un écosystème à s’épanouir, les chercheurs du WCMW estiment qu’il faudrait aborder la même approche ailleurs dans le monde et avec d’autres espèces pour rajeunir la nature et lui permettre de relancer sa biodiversité.
Néo-Arche de Noé
Cela tombe bien : « Nos conclusions, affirme l’expert du WCMW, Joe Gosling, montrent que la réintroduction de larges populations de mammifères est possible dans une grande diversité de zones naturelles sur la planète ». Pour définir lesquelles, le WCMW a analysé l'inventaire dressé par la "Liste rouge" de l'UICN, cet inventaire des espèces végétales et animales de la planète.
Les chercheurs ont comparé les grands mammifères présents dans chaque éco-région au cours des 500 dernières années pour déduire les espèces ayant disparu. Ainsi, il ont déduit que pour restaurer au mieux les écosystèmes, il faudrait en particulier réintroduire une vingtaine de grands mammifères dont 7 carnivores et 13 herbivores.
[A dérouler]
— Agence France-Presse (@afpfr) September 4, 2021
Alors que la disparition des espèces s'accélère, toutes ne pourront pas être sauvées, avertit Craig Hilton-Taylor, responsable de la Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) mise à jour aujourd'hui, dans une interview à l'AFP ⤵️ pic.twitter.com/5IXc8uimm7
Selon les spécialistes, il suffit à chaque fois de réintroduire 1 à 3 de ces espèces pour lancer la restauration des écosystèmes. En Europe, il s’agirait donc du loup gris, du castor et du renne mais aussi du bison d'Europe et du lynx. Pourquoi pas. Après tout on a déjà réintroduit des castors à Londres et des bouquetins dans nos Pyrénées. En Asie, on ajouterait les chevaux sauvages alors qu’en Afrique on manque d’hippopotame et de lycaon et en Amérique, des gloutons et des ours noirs...
À l’échelle planétaire, 35 régions seraient propices à cette action (sur les 730 écorégions de la Terre). Si on leur permet de recoloniser ces secteurs, en les protégeant et assurant une meilleure connectivité, ces 20 espèces peuvent « augmenter de 54% (11 116 000 km²) la superficie de la planète contenant des assemblages intacts de grands mammifères ». La faune entretenant la flore, recréer ces éco-systèmes permettra de rebâtir nos défenses contre le réchauffement climatique, en assurant une meilleure captation du carbone et en absorbant mieux les précipitations pour endiguer les sécheresses.
Recréer l’Eden... en Grande-Bretagne
Comme pour valider ces recherches, l'Angleterre se prépare à réintroduire des bisons sur son territoire, des millions d'années après que le dernier de l'espèce s'est éteint. "Au Royaume-Uni, le manque de gestion des forêts est l'une des huit causes principales de déclin des espèces", justifie le Kent Wildlife Trust à l'origine de ce projet. Le bison va par exemple manger ou se frotter aux arbres, décrochant leur écorce dont le bois mort servira de logement ou de nourriture aux insectes, eux-mêmes indispensables aux oiseaux.
La présence de toute cette faune allant et venant va réguler la végétation de ces espaces, favorisant paradoxalement leur développement. Ce qui tombe bien, puisque nous avons nous-même besoin de cette verdure pour respirer et survivre...
"Utiliser des espèces manquantes telles que le bison pour restaurer des processus naturels dans les habitats est la clé pour créer la bio-abondance dans nos paysages" conclue le porte-parole anglais. Pourtant les chercheurs du WCMW déplorent que, pour avoir un effet réel, cette découverte devra en passer par une coordination globale. Un sujet à aborder par exemple à la prochaine COP27 à Charm el-Cheikh ?
Des bisons vont être réintroduits au Royaume-Uni des milliers d'années après leur disparition https://t.co/NvGIsWuIke via @GEOfr
— Guillaume Le Ny (@guillaume_lny) July 21, 2020