

Il y a 48 ans, le premier candidat écolo à la présidentielle sortait de terre
Lors de l’élection présidentielle de 1974, un étrange candidat se fait remarquer avec ses pulls rouges et son discours sur l’environnement. Son nom : René Dumont. Sa particularité : il s'agit du premier candidat « écolo » à une présidentielle. Mais qui était cet homme trop en avance sur son temps ?
April 12, 2022
L’inconvénient d’avoir raison avant tout le monde, c’est qu’on vous prend rapidement pour un illuminé. Pourtant, lors de son passage à la télévision le 19 avril 1974, René Dumont rappelle qu’il n’est pas « un candidat doux rêveur ». Si l’homme aux grosses lunettes carrées et à la crinière argentée doit énumérer ensuite les gages de son sérieux, c'est parce que le programme qu’il défend est au service d’une idée alors nouvelle : l’écologie.
Ingénieur agronome repenti
Nous sommes en 1974. Voilà plusieurs années que les grandes associations écologiques françaises se structurent pour présenter un candidat à la prochaine présidentielle. La mort de Pompidou précipite la tenue des élections. René Dumont, 70 ans, accepte de sortir de sa paisible retraite pour porter les couleurs de l’écologie.
Sous ses airs de vieux baba cool se cache un solide ingénieur agronome qui a longtemps milité pour une agriculture productiviste à grand renfort d’engrais chimiques. En fin de carrière, il embrasse la cause écologique et, dans la lignée du rapport du Club de Rome, Halte à la croissance ! (1972), dénonce la course effrénée au profit.
René DUMONT parlait en 1973 de son livre "Le futur possible", s'indignant du gaspillage de ressources naturelles dans les pays riches, plaidant pour une meilleure répartition de richesses, pour une fiscalité robuste qui oblige les citoyens à une vie très sobre et plus équitable. pic.twitter.com/Fn7MwpMzsm
— Pablo María Delmar (@nvallejog) April 10, 2022
Pas de « binette » sur les affiches
Dans son allocution télévisée, René Dumont dénonce le gaspillage, l’augmentation des déchets, l’exploitation des pays pauvres par les pays riches et notre trop forte dépendance aux énergies fossiles – des propos qui restent toujours d’actualité en 2022. Il termine son speech en buvant un verre d’eau, car, prédit-il, cette ressource viendra bientôt à manquer.
Sa manière de faire campagne le fait passer pour un drôle de zèbre : il se déplace à vélo, son QG de campagne est installé sur une péniche et il porte toujours un pull rouge. Il refuse le placardage d’affiches. Par souci de ne pas gaspiller le papier, par faute d’argent et puis aussi par envie personnelle :
« Quel argument ça apporte de montrer sa binette sur tous les murs de la ville ? C’est une grossière plaisanterie ! »
1,3 % au premier tour
Dans une France où le briquet jetable, inventé deux ans plus tôt, est considéré comme une petite révolution, les arguments de René Dumont peinent à convaincre. Il fera seulement 1,3 % au premier tour. Soit mieux que les 0,75 % de Jean-Marie Le Pen, dont c’est également la première candidature à la présidentielle.
Ouest-France a retrouvé quelques-uns de ces électeurs qui voyaient avant les autres arriver la catastrophe. Christiane Durchon, 24 ans à l’époque, se souvient :
« Je n’étais pas politisée, mais je venais d’un milieu rural et j’avais commencé à voir les dégâts de la politique agricole sur l’environnement […] Quand j’ai écouté et vu René Dumont avec sa pomme et son verre d’eau à la télévision, j’ai tout de suite pensé qu’il avait raison. On avait raison avant tout le monde, en fait. »
Ce score rachitique n’empêche pas les écologistes d’entrer de plain-pied dans la politique : trois ans plus tard, ils se présentent pour la première fois aux municipales. René Dumont, lui, retombe dans l’anonymat. Il décède en 2001 à l’âge vénérable de 97 printemps. Quelques parcs et rues du pays lui doivent son nom. Pour les écolos, il restera le premier vert. Un vert en pull rouge.