Le propriétaire et les "exploitants" de ce potager sont entrés en contact grâce à l'application Adopte ma tomate.

Adopte ma tomate : l’appli qui connecte jardiniers amateurs et propriétaires de potagers

Octavia Ivan et Olivier Pillaud-Tirard, cofondateurs d’une ingénieuse plate-forme web de cojardinage, connaissent actuellement un beau succès en connectant citadins en quête de potagers et propriétaires de jardins à l’abandon. Les Eclaireurs ont pris leur téléphone pour en savoir plus sur cette initiative.

Transports, restauration, objets du quotidien, services, voyages… Si l’économie du partage a le vent en poupe, avec plus ou moins de monétisation à la clé, les applications sont un vecteur idéal pour une génération connectée en quête de communauté et de sens, plus particulièrement en ville. Et quand le besoin de créer du lien rencontre l’envie, parfois contrariée, d’un retour à la terre, il est plutôt logique que le monde du jardinage n’échappe pas à cet engouement.

Un choc culturel et gustatif

Le parcours atypique d’Octavia Ivan, cofondatrice d’Adopte ma tomate, est entièrement lié au développement de son ingénieuse application, mettant en relation jardiniers amateurs et propriétaires de potagers n’ayant plus l’envie, le temps ou la force de faire pousser des légumes et des fruits sur leur lopin de terre. Venue de Roumanie il y a six ans pour s’installer à Toulouse, elle est déçue de voir que le principe des potagers partagés n’est pas aussi développé en France que dans son pays d’origine. « J’ai grandi avec les légumes qu’on produisait nous-mêmes, en partie car on n’avait pas d’autre choix, avance-t-elle. Même en plein centre de Bucarest, la communauté des jardiniers était très vivante, un vrai lien intergénérationnel se créait, avec surtout une réelle transmission du savoir. »

En France, « on utilise des litres d’eau pour entretenir du gazon, il y a des listes de deux ou trois ans d’attente pour les citadins voulant participer à un potager », ajoute-t-elle, ce qui la détermine à apporter son expertise. Car le choc, non content d’être culturel, fut également gustatif.

5000 utilisateurs, répartis sur 154 jardins

Le concept de cojardinage n’est pas une nouveauté : les potagers partagés se sont fait une belle réputation chez les citadins contraints par leurs frontières de béton. On pense notamment au site Savez-vous planter chez nous ? qui compte déjà plus de 35 000 inscrits. Mais c’est la forme de cette mise en relation entre inconnus qui est révolutionnaire, malgré son apparente simplicité.

Au départ conçu comme un simple Google Doc, histoire de tâter le terrain, le fichier Adopte ma tomate récolte rapidement 300 réponses de Toulousains enthousiasmés par le projet. Puis tout s’enchaîne. La rencontre avec Olivier Pillaud-Tirard, un passionné d’informatique et de respect de la nature, donnera lieu en 2017 à la naissance d’une application mobile, qui se targue en plus de ne consommer que très peu d’énergie.

« Ça nous a toujours tenu à cœur de rester en contact avec les utilisateurs, pour faire en sorte que tous ceux qui souhaitent jardiner puissent le faire. » Mais petit à petit, l’appli s’est étoffée. Calendrier, forum, gestion des cultures… Aujourd’hui, plus de 5000 utilisateurs, répartis sur 154 jardins dans tout le pays, ont été mis en contact pour jouer de la binette. « L’association compte aussi 25 adhérents, qui paient une cotisation de 25 euros l’année, mais clairement ce n’est pas assez », dit celle qui continue à travailler à mi-temps en parallèle du développement de son concept.

« Quand on jardine pour soi, à terme on comprend mieux les difficultés des producteurs, les enjeux du gaspillage ou de la consommation d’eau. »

Objectif : "devenir l'outil de référence"

Depuis peu, Adopte ma tomate voit plus grand et s’immisce dans les syndicats de copropriété et chez les promoteurs immobiliers pour parler jardinage, compost, et recyclage. Afin notamment que des potagers soient intégrés à leur plan architectural. « On peut porter le projet dans son intégralité à la demande des mairies, ou accompagner simplement l’entretien du potager », explique Octavia.  

Un travail de terrain qui a pour but avoué de faire de l'application « l’outil de référence pour jardiner facilement », tout en modifiant la perception des nouvelles générations, en les rapprochant par exemple des producteurs locaux. En effet, que ce soit en termes de respect de la saisonnalité, de gestion des déchets ou de gaspillage, « quand on jardine pour soi, à terme on comprend mieux les difficultés des producteurs, les enjeux du gaspillage ou de la consommation d’eau ».

Quand on a œuvré pendant des mois à faire pousser des tomates ou des artichauts tout déformés (mais potentiellement délicieux), il devient  moins aisé de faire la fine bouche et de les jeter. Si, en supplément, on les a vu naître dans le jardin de son voisin, alors la satisfaction du travail bien fait se double d’une conscience que nous partageons tous une seule et même terre, à préserver.

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