Le Texas bientôt prêt à inaugurer le plus grand aspirateur à CO2 au monde

"Everything is bigger in Texas", ont l’habitude de dire les Américains. Le Lone Star State ne faillit pas à sa réputation avec ce projet de la plus grande centrale au monde de capture directe du carbone dans l’air. Début du grand nettoyage prévu pour 2024.
  • L’un des fronts dans la guerre contre le réchauffement climatique, c'est la capture et la séquestration du CO2. Nom de code de l’opération : CCS, pour Carbon Capture and Storage. Il existe déjà quelques sites à travers le monde capables de réaliser cette prouesse. Mise en marche en septembre 2021, la première usine de captage à CO2 à grande échelle, située près de Reykjavik, peut absorber 4000 tonnes dans l’air par an. C’est bien, oui, mais dérisoire face aux 36,3 milliards de tonnes émises en 2021 au total. L’heure est donc venue de changer d’échelle.

    1 million de tonnes de CO2 nettoyées

    Puisque le Texas est le territoire des superlatifs – deuxième État le plus vaste, le plus peuplé et le plus riche des USA – c’est ici, et plus précisément dans le bassin Permian à l’Est de l’État, que sera construit le plus grand « piège à carbone » du monde : des centaines de ventilateurs de 8,5 mètres de diamètre captureront le CO2 de l’air à l’aide d’un filtre à potasse pour ensuite le séquestrer dans les sous-sols.

    Cette centrale doit nettoyer jusqu’à 1 million de tonnes de CO2 de l’atmosphère par an. Soit 100 fois plus que l’addition des 19 centrales de ce genre actuellement en activité dans le monde. La classe à Dallas ! Évidemment, la solution n’est pas de couvrir la terre de ces usines et l’impératif demeure de s’attaquer au problème des émissions de carbone à la source.

    Le business du CO2 séquestré

    Quand on regarde qui est derrière ce projet pharaonique, estimé entre 800 millions et 1 milliard de dollars, on découvre le nom de l’entreprise canadienne Carbon Engineering et surtout la Occidental Petroleum – surnommée « Oxy ». Un géant de l’industrie pétrolifère et gazière, classée en 2017 comme la 8e entreprise privée émettant le plus de CO2 dans le monde. La Oxy sort-elle le carnet de chèques pour une (coûteuse) opération de greenwashing ? Pas seulement. Le retour sur investissement est prévu si l’on en croit les propos de la directrice générale d'Occidental, Vicki Hollub, lors d'une présentation aux investisseurs :

    « Cet effort peut également être une autre activité à valeur ajoutée. »

    Selon les estimations, le marché de la séquestration du CO2 atteindrait les 1000 milliards d’euros en 2050. Un chiffre démentiel qui correspond au marché actuel de l’industrie pharmaceutique. Les entreprises de e-commerce Stripe et Shopify se positionnent déjà sur ce marché, rappelle le New York Times.

    Les nombreuses réutilisations du CO2

    Comment gagner autant d’argent avec ce CO2 séquestré ? Simplement parce qu’il pourra être valorisé comme matière première. Des scientifiques du UK Centre for Carbon Dioxide Utilization ont réussi à faire du nylon à partir du carbone. Un labo du groupe pétrocchimique allemand Covestro, a quant à lui fabriqué un matelas constitué à 20% de CO2. En Inde, une centrale à charbon récupère la totalité du CO2 émis pour le transformer en bicarbonate servant ensuite à la fabrication de verre, d’édulcorants, de détergents, etc. En Islande, le dioxyde de carbone rejeté par une centrale géothérmique est revalorisé en méthanol qui est utilisé pour les biocarburants. Si les industriels réalisent qu’il y a de l’argent à se faire, alors le recyclage du CO2 risque de passer le cap de l’anecdotique et deviendra une filière économique de premier plan.

    Crédit photo : CARBON ENGINEERING, LTD / TODD KLASSY, SHUTTERSTOCK

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