The Sorority, l’appli qui lutte contre les violences sexuelles et le harcèlement de rue

The Sorority, App-Elles ou encore le chat en ligne Comment on s’aime : des applications numériques existent pour lutter contre les violences sexistes. Ces outils ont pour but d’écouter, de conseiller et d’accompagner les victimes. Et les témoins.
  • Les chiffres sont malheureusement toujours plus inquiétants. Pendant le premier confinement, les violences conjugales contre les femmes ont augmenté d’au moins 36% sur le territoire français, près de 40% en Île-de-France. Dans les transports, 100% des femmes ont déclaré avoir été au moins une fois agressée. Tandis que le site Paye ta shnek a récolté plus de 15000 témoignages de harcèlement de rue entre 2012 et 2019. Du côté des témoins, une étude a démontré que seulement 20% des victimes ont été aidées d’après un sondage mené par L’Oréal Paris et Ipsos en mars 2019. Dans la grande majorité, les témoins ne savent pas comment faire (86%) ou trouvent cela risqué d’intervenir (87%).

    Rouage de la lutte contre ces violences, le numérique permet d’accéder à certaines femmes ou personnes issues des minorités de genre directement dans leur poche : via leur smartphone. Selon le baromètre du numérique 2019, trois quarts des Français sont en effet équipés. C’est ce qui a motivé Priscilla Routier-Trillard à créer l’application The Sorority. Ça, et l’envie d’œuvrer pour la « sororité ».

    « Et si on s’entraidait ? »

    En mars 2019, Priscilla Routier-Trillard fait un second burn out. Elle est prise en charge par une médecin traitant qui lui dit : « Arrête, je te crois. Ce que tu as est réel. Je vais t’aider. » Priscilla a une prise de conscience : « La bienveillance humaine est sans limite et il faut faire quelque chose pour l’activer. » Le lendemain, dans le métro, elle observe les femmes de la rame. « Je me dis : si l’une d’elles est agressée, j’ai qu’une envie : c’est de l’aider. » Elle a alors l’idée de créer du lien humain et c’est le mot « sororité » qui lui vient en premier à l’esprit. « Si on se rendait compte qu’on était tous et toutes lié.e.s... On vit les mêmes situations : et si on s’entraidait ? »

    À l’époque, Priscilla Routier-Trillard ne se « sentait pas du tout féministe », encore moins activiste. « J’ai eu une prise de conscience sur le système qui fait mal à toutes les femmes. Il faut qu’on ouvre les yeux. » Alors elle lit, beaucoup. Elle réunit autour d’elle une équipe et ne parle de son projet à personne, sauf son mari. « J’avais besoin de me déconstruire et me positionner. Pendant ces six mois de recherches, je suis devenue féministe à 100%. »

    Priscilla Routier-Trillard finit par concevoir son « cocon de bienveillance » en deux volets : un consacré à l’épanouissement, pour mettre en contact avec des professionnel.les, l’autre à la sécurité, avec une fonction alerte.

    Non-mixité choisie

    « Tu n’es pas seul.e. Nous sommes toutes là. » Sur l’application, le message d’accueil se veut le plus inclusif possible. Mais pour des questions de sécurité, elle est interdite aux hommes cis. Une autre application, HandsAway, a en effet dû se mettre en pause l’été dernier après un hack massif. Un raid de cyberharcèlement à base d’images sexistes, d’appels au viol et de fausses alertes.

    Pour pouvoir se connecter à The Sorority ,Priscilla Routier-Trillard a donc instauré une modération humaine. « J’étais ancienne responsable RGPD dans mon ancienne vie. Dès qu’on reçoit la demande, les pièces jointes sont vérifiées : un selfie et la copie de sa carte d’identité. Qu’on valide ou qu’on refuse, tout est supprimé de notre base de données. On ne garde rien. »

    La non-mixité, soit le fait d’exclure les hommes cis, est également nécessaire pour « ne pas prendre le risque qu’un conjoint violent vienne sur l’appli ». Si un doute persiste, une conversation est entamée sur les réseaux sociaux.

    Une communauté qui s’organise

    L’application The Sorority n’est pas toute seule. Elle est complémentaire d’autres outils tout aussi essentiels. Trois d’entre eux sont soutenus par la Fondation des femmes. D’abord, l’application app-Elles permet d'alerter et de contacter rapidement ses proches (trois contacts sont enregistrés), les services d'urgence, les associations et toutes autres ressources d'aide disponibles dans sa région. Comment on s’aime ? propose de son côté des ressources pour évaluer ses relations de couple, familiales ou encore sexuelles. Un tchat offre un lieu sécurisé pour poser ses questions. Plus récemment, la formation en ligne « stand up », à l’initiative de L’Oréal et de l’ONG Hollabanks, apprend à « intervenir en toute sécurité lorsqu’[on] est victime ou témoin de harcèlement sexuel dans les lieux publics » en suivant la méthode des 5D : distraire, déléguer, documenter, diriger et dialoguer.

    Petit à petit une communauté d'entraide se solidifie et s’approprie les différents moyens de lutte. 9000 personnes sont aujourd’hui inscrites sur The Sorority. Priscilla Routier-Trillard reçoit déjà des retours positifs : « Des femmes qui se sentaient suivies ont pu voir qu’elles n’étaient pas seules. Une autre a pu être aidée face à un conjoint violent. Elle a pu se réfugier chez une autre personne de l'appli. Nous mettons en lien des inconnu.e.s qui s’unissent. »

    Si vous êtes victime de violences, une ligne d'écoute nationale est disponible : le 3919.

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