GP Explorer : comment faire pour éviter le harcèlement en ligne ?

Après un accident lors du Grand Prix Explorer, une course de F4 qui réunit des personnalités d’internet, la pilote Manon Lanza (créatrice de contenus et influenceuse) a reçu un torrent de haine sur les réseaux sociaux avec plus de 60 000 tweets sexistes d’une violence toujours plus décomplexée. Au bout du tunnel, une question : comment lutter contre ce cyberharcèlement ?
  • Commençons par un petit florilège : « Femme au volant, mort au tournant » ; « Sale p**e, retourne dans ta cuisine » ; « pourquoi ils mettent des meufs, sérieux ? » ; « Quelle merde Manon Lanza, et son féminisme mal placé, elle mérite trop son harcèlement ça va la rendre humble un peu ».

    Ces messages ont été publiés sur la plateforme X (anciennement Twitter) après un accrochage entre Manon Lanza et un autre participant au GP Explorer, une course de F4 réunissant des personnalités du web, des rappeurs et des influenceurs qui s’est déroulée le 9 septembre au Mans. L’événement est organisé par le youtubeur le plus suivi de France (Squeezie) et a réuni plus de 1,3 million de spectateurs sur Twitch. Lors du deuxième tour de piste, la pilote percute le youtubeur Maxime Biaggi. Le choc oblige les deux participants à abandonner. Manon est transportée dans une ambulance aux urgences : elle souffre d’un choc thoracique et d’une hernie cervicale, mais elle va bien.

    Les accidents ou sorties de route sont extrêmement courants lors des courses automobile, avec des niveaux de gravité variables. Mais l’incident entre Manon et Maxime n’est pas passé inaperçu, loin de là. Sur les réseaux sociaux, et principalement sur X, certains internautes s’en sont pris directement à la pilote de 30 ans. Insultes, messages sexistes et haineux, blagues de très mauvais goût : au total, selon l’AFP, plus de 60 000 tweets sont postés en ligne à l’encontre de l’influenceuse. Pour eux, Manon est responsable de l’accident et n’a rien à faire au volant d’un bolide — puisque c’est une femme. 

    Des propos d'une violence inouïe pour Manon et toutes les femmes

    Si dès le lundi 11 septembre, plusieurs associations et personnalités ont pris la défense de Manon, dénonçant une haine violente sur les réseaux, le mal est fait. Le 12 septembre, sur Twitch, Squeezie a pris la parole pour soutenir la pilote et dénoncer ce harcèlement : « Tous les petits chiens, là, qui ne sont pas […] allez vous faire foutre. Cassez-vous de ce live, cassez-vous de Twitch, cassez-vous des réseaux, on vous déteste tous ». Le youtubeur qualifie ensuite ces internautes de « cyberharceleurs » et rappelle la violence inouïe des propos « misogynes » à son égard, expliquant que le traitement aurait sans doute été moins virulent si l’accident avait été causé par un homme. Une manière de montrer que oui, les streamers ont un rôle à jouer dans la lutte contre le cyberharcèlement, surtout ceux qui sont les plus suivis. Ces derniers peuvent par exemple prendre la parole, faire de la sensibilisation sur le sujet et bloquer les utilisateurs jugés dangereux des discussions en direct. 

    Manon a quant à elle décidé de réagir, dans les médias, afin de mettre la lumière sur le traitement dont elle est victime. Mais aussi pour se battre :

    « J’ai vraiment eu l’impression qu’on insultait toute la gent féminine et ça m’a révoltée. Ça m’a boostée pour porter la voix des femmes », a indiqué Manon lors d’une interview avec l’AFP.

    Même son de cloche au micro de France Inter :

    « Si je me casse, j’abandonne […] Moi, ça me donne la force de continuer, ça me donne envie de leur prouver le contraire et de leur montrer que, je n’ai peut-être pas de couilles entre les jambes, mais que j’ai ma place ».

    Une attitude courageuse, certes. Mais ne serait-ce pas l’occasion de réfléchir à des solutions afin d’éviter que ce type de cyberharcèlement se reproduise à l’avenir ? Quelles sont les pistes à creuser ?

    Quelles solutions pour lutter contre le cyber-harcèlement ?

    La première solution (un peu tardive) est à mettre au crédit de Squeezie : dénoncer publiquement les agissements et dire le fond de sa pensée, à savoir que les propos sexistes et misogynes sont condamnables. « Le moindre message tenu par des gens qui sont suivis est précieux », a précisé Manon à l’AFP. Le compte officiel du GP Explorer a pris la parole en publiant ce message :

    « Le GP Explorer condamne fermement les nombreux propos sexistes dont Manon a été victime ces dernières 24 heures, ainsi que le harcèlement sous toutes ses formes ».

    Maxime Biaggi aussi :

    « Aucun accident ne peut justifier cet acharnement sur Manon. »

    Enfin, des collectifs et personnalités ont aussi soutenu Manon en condamnant les faits, comme le collectif NousToutes sur Instagram : « Lorsque vous organisez des événements en ligne, vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour empêcher le cyberharcèlement. Faites mieux ! ». 

    Le collectif pose ici clairement la problématique : la modération des propos et la lutte contre le cyberharcèlement en ligne. En résumé, quels outils ont les organisateurs à leur disposition pour lutter efficacement contre la diffusion de propos misogynes ou haineux ? Il existe des applications de modération, comme Bodyguard ou Hive Moderation, qui filtrent les messages en lien avec un événement en temps réel. Ces derniers lisent et suppriment automatiquement les propos violents, sexistes, racistes, haineux ou menaçants sur les réseaux sociaux et les plateformes (Twitter, Snapchat, Facebook, Instagram, etc.) grâce à des algorithmes capables d’agir à grande échelle.

    Ce type d’outil peut être mis en place par les organisateurs eux-mêmes afin de se protéger en amont — et montrer qu’ils prennent le sujet au sérieux —, mais surtout afin de protéger les participants à des événements regardés par des milliers voire des millions de personnes. 

    Pourquoi est-il important d’utiliser ces outils pour se protéger ?

    Car sur le plan judiciaire, le cyberharcèlement est parfois difficile à définir. « Les preuves matérielles les plus courantes sont les captures d’écran et les SMS, mais elles ne sont pas toujours acceptées. L’identification des utilisateurs grâce à l’adresse est une méthode rarement utilisée. Les agresseurs sont très peu condamnés à cause du manque de preuves », explique à la Fnac Coumba Samaké, co-fondatrice de l’association Féministes contre le cyberharcèlement. Et les plateformes comme Twitter ou Instagram sont souvent peu concernées par leurs obligations morales à réagir ou coopérer. « Les conditions de signalement sont assez floues, il est difficile de voir les règles que les réseaux sociaux mettent en place pour gérer ces signalements. Il faudrait qu’ils soient plus clairs avec leurs critères de sélection », détaille Coumba Samaké.

    La preuve : en mars 2023, Twitter a été relaxé dans une affaire judiciaire menée par trois victimes de cyberharcèlement, comme l'explique Le Monde.

    Face à ces attaques, les victimes sont souvent seules. D’où l’importance des soutiens, notamment au sein de chaque communauté, et de la mise en place d'actions concrètes pour contrer les attaques des cyberharceleurs.

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