2022 M03 21
C’est l'une des bonnes nouvelles de ce début d'année : depuis le 16 mars 2022, grâce à un amendement de la loi bioéthique adopté par les députés, les hommes homosexuels peuvent donner leur sang sans aucune condition. Une avancée vers l’égalité qui met fin à presque 40 ans d’attente.
Saviez-vous que jusqu'à la semaine dernière donc, les hommes homosexuels ne pouvaient faire don de leur sang qu'à condition de respecter une période d'abstinence de quatre mois ? Sexe ou solidarité… Il fallait choisir. Mais pourquoi ?
Faisons un petit saut dans le temps pour comprendre le pourquoi du comment de cette condition discriminante enfin abrogée.
Les années 80 et la révolution sexuelle
Entre les années 1960 et 1980, une multitude de mouvements de libération sexuelle se sont développés en Europe et Outre-atlantique, portés notamment par les féministes et par la communauté LGBTQIA+ (à l'époque, juste LGBT). Jusqu’ici, le sexe, c’était uniquement dans le cadre du mariage et pour faire des bébés. Les années 80 brisent enfin ce carcan, c’est la révolution sexuelle.
© Puech Michel / SIPA
À cette époque donc, on libère les corps et les rapports qu’ils entretiennent, mais on n’est pas trop au fait niveau contraception… Un virus inconnu, le VIH (qui a fait son apparition dans les années 40), se répand alors, d’abord aux USA, puis en Europe.
Pour infos, on fait souvent l'amalgame, mais le VIH et le sida, ça n'est pas la même chose. Le VIH est le virus responsable du sida, qui est le stade ultime de la maladie en absence de traitement. Donc avoir le VIH ne signifie pas avoir le sida.
Le « cancer gay »
Si le VIH peut toucher tout le monde, le rapport anal non protégé avec pénétration comporte un risque élevé de transmission du VIH, en particulier pour le partenaire passif. Les chiffres de l'année 2015 de Santé publique France (alors appelé Institut de veille sanitaire) sont sans appel : au début des années 80, le nombre de contaminations est 65 fois plus élevé chez les homosexuels que chez les hétéros.
Quant au taux d’incidence de la maladie (nombre de nouvelles infections enregistrées), il est 200 fois plus élevé au sein la communauté gay. La presse se met à parler du « cancer gay », et pour les plus homophobes de la société, le sida serait même un « châtiment divin ».
1983, l'interdiction
En 1983, des chercheurs de l’Institut Pasteur parviennent à identifier le virus. La même année, le ministre de la Santé de l'époque, Edmond Hervé, interdit purement et simplement aux hommes homosexuels de donner leur sang. Pourquoi ? Par crainte que cette population, particulièrement touchée par le VIH (qui n'a pas encore de traitement), fasse don de sang contaminé.
Une décision qui n'empêchera pourtant pas « l'affaire du sang contaminé » d'éclater en 1991. En bref : En France, entre 1983 et 2003, plusieurs centaines de personnes malades ont été contaminés par le sida et l'hépatite C suite à des transfusions de sang. Un scandale d'État qui a fait grand bruit…
L'un des derniers procès concernant l'affaire du sang contaminé a eu lieu en novembre 2013.
2016, la fin d'une ère
En 2016, enfin, la loi évolue et permet aux hommes gays de donner leur sang. Seul "hic"... Ils ne doivent pas avoir eu de rapports sexuels depuis un an ! Une période d'abstinence énorme qui sera finalement raccourcie à quatre mois en 2019... Et enfin abrogée cette année.
La loi du 2 août 2021 sur la bioéthique était claire : les préjugés sur les homosexuels doivent cesser. Les dons de sang « ne peuvent être fondés sur aucune différence de traitement, notamment en ce qui concerne le sexe des partenaires avec lesquels les donneurs auraient entretenu des relations sexuelles ». Depuis le 16 mars 2022 donc, il n'y a plus aucune référence à l'orientation sexuelle dans les questionnaires préalables au don du sang distribués par l’Établissement français du sang (EFS).
Vous voulez donner votre sang ? La seule condition est désormais de déclarer si vous prenez un traitement pour la prophylaxie pré ou post-exposition au VIH (si c'est le cas, votre don sera reporté quatre mois plus tard). Pour savoir si vous êtes éligible au don : rendez-vous ici. En France, pour soigner les malades dans le besoin, il faut 10 000 dons de sang par jour. La pandémie Covid a vu les réserves baisser dangereusement… Faire un don de sang, c'est donc sauver des vies.
Ps : le virus du VIH et le sida existent encore en France. Protégez-vous et faites vous dépister ! (pour en savoir plus : Sidaction.)