Conseil constitutionnel (Laurent Fabius)

Mariage pour tous, biodiversité… toutes les fois où le Conseil constitutionnel a fait pencher la société française

Pour clôturer la crise de la réforme des retraites, gouvernement et députés guettent l’avis du “Conseil des Sages”. À raison, car celui-ci a déjà infléchi des lois sociétales majeures. Flashback.
  • La réforme des retraites est-elle conforme à la Constitution ? C’est ce que tranchera le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius ce vendredi 14 avril. Rien d’exceptionnel : le “conseil des Sages” a déjà examiné ainsi des centaines de lois avant de décider de les valider ou les censurer.

    Depuis sa création, en 1958, les 9 juges n’ont définitivement annulé "que" 17 lois. Cependant, rejets comme validations sont des décisions qui marquent la société en profondeur. Bioéthique, fin de vie, écologie, genre et libertés individuelles… sa compétence est large et conséquente.

    Garant de nos libertés

    En 2014, une loi voulant renforcer les pouvoirs de la police et des services de renseignement contre le terrorisme était contestée. On se tourne alors vers le Conseil constitutionnel qui finit bien par valider la loi mais... en censurant la partie concernant la surveillance des communications électroniques, jugée comme portant atteinte à la vie privée. Idem durant l’épidémie de Covid-19 : le Conseil constitutionnel rejette des articles de la loi prolongeant l'état d'urgence sanitaire à l’été 2020 qui voulaient “tracer” les contacts de chaque malade. Il imposera aussi que l’on mette fin au pass vaccinal dès que celui-ci ne serait plus indispensable à la situation.

    Mais plus que censurer des textes abusifs, certifier leur conformité participe à transformer la société quand elle est divisée. Exemple en 2013, quand des associations familiales et religieuses déposent un recours contre la loi dite du “mariage pour tous”, accusée d’être contraire au “droit à l’enfant” et au respect de la liberté religieuse. Le Conseil constitutionnel a rejeté ces recours, jugeant la loi parfaitement conforme à la Constitution pour le plus grand bonheur de milliers de couples gays et lesbiens.

    Son arbitrage transcende souvent les convictions et les partis. Ce fut le cas avec la loi sur la fin de vie et l’euthanasie, en 2016, sujet épineux pour beaucoup car plus philosophique que juridique... Le Conseil constitutionnel l'a validé car sa forme était parfaitement en accord avec notre texte fondateur.

    Et cela marche dans les deux sens : au début des années 1990, le “voile intégral” faisait débat et son encadrement juridique finira par atterrir devant le Conseil des Sages. La loi présentée alors interdisait la dissimulation du visage pour raison de sécurité, ce que le conseil valida, au nom du principe d’égalité qui veut que les libertés soient les mêmes entre les femmes et les hommes.

    Des décisions en faveur de l’écologie

    Le conseil des sages est régulièrement un moteur de la transition écologique ou de la préservation de l'environnement. En avril 2013, 60 députés et autant de sénateurs contestent une loi du gouvernement sur la transition énergétique visant à faire payer plus cher ceux qui sur-consomment l'électricité et le gaz. Malgré sa volonté de réduire les gaz à effet de serre, cette loi a été censurée car son système de bonus-malus fut jugé anticonstitutionnel.

    Début août 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité comprend des dispositions pour lutter contre la destruction des espèces et protéger les milieux naturels... mais elle encadre mal la prolifération des espèces exotiques envahissantes. Les sages censurent toute cette partie, plutôt que de laisser la loi être entièrement retoquée, ce qui aurait laissé la biodiversité en attente d'un meilleur texte...

    Les décisions du Conseil des Sages ont donc souvent un impact significatif sur la société en garantissant, plus que la constitutionnalité des textes, la protection des droits des citoyens comme des espaces (et des espèces) naturels. L'avenir proche nous dira si sa décision sur la retraite à 64 ans ira dans le même sens.

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