Comment le gouvernement et les assos tentent de lutter contre le harcèlement LGBT

Une récente étude indique que 3,9 % des lycéens déclarent être victimes d'insultes homophobes. Chez les lycéens "out", 18% d'entre eux disent avoir été insultés au cours de la dernière année. Tandis que le gouvernement multiplie les campagnes de prévention plus ou moins critiquées, les associations, elles, continuent d'intervenir dans les salles de classe, au cœur de l'action. Deux salles, deux ambiances.

Si le nombre d’interventions a baissé depuis le début de la crise Covid en mars 2020 (et l’année scolaire en dents de scie qui en a découlé), de nombreuses associations LGBT+ dans toute la France continuent de se démener pour effectuer des formations et des ateliers en écoles, collèges et lycées.

En parallèle, avec 42 objectifs à atteindre d'ici à 2023, la ministre chargée de la diversité, Elisabeth Moreno, avait présenté en octobre dernier un Plan pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT, mettant notamment l'accent sur l'éducation, afin de, plus précisément, combattre l'homophobie.

Parmi les objectifs, la ministre a surtout insisté sur le volet éducation. "Parce qu'elles naissent dès l'enfance, les discriminations et inégalités peuvent aussi se corriger, en y mettant des moyens. (...) L'école doit donc être le premier lieu de sensibilisation et de prévention et participer à la déconstruction des stéréotypes tenaces".

Elle prévoyait ainsi, avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, d'"amplifier" la formation des équipes pédagogiques et éducatives. Un site internet appelé "Éduquer contre les LGBTphobies" devait être lancé, afin de "donner aux enseignants des armes pour combattre l'homophobie et la transphobie et permettre la bonne inclusion des élèves LGBT+". Cependant, il n’est jamais sorti de terre, la campagne restant à l'état de guide pratique.

Homophobie et harcèlement, les deux faces d'une même pièce

Les associations telles que MAG Jeunes LGBT (Mouvement d’Affirmation des Jeunes Gais, Lesbiennes, Bi & Trans), en Île-de-France, ou les assos réunies sous la bannière du Centre LGBT de Nice, n’ont pas attendu ce plan pour mettre en place des actions dans les établissements scolaires. "Concrètement, elles se réalisent sous forme d’un débat entre les élèves et les intervenant-e-s, où des thèmes comme la transidentité, les stéréotypes de genre et la découverte de son orientation sexuelle sont abordés", explique-t-on à MAG.

"La proximité d’âge entre les intervenant-e-s et les élèves favorise le dialogue ouvert et permet aux jeunes lycéen-ne-s et collégien-ne-s de s’exprimer librement et sans tabou". En ligne de mire, l’homophobie, qui est à même de gangréner, au même titre que le harcèlement, les établissements scolaires.

Une étude de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) et de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), datée de décembre 2018, indiquait que 3,9 % des lycéens déclaraient être victimes d'insultes homophobes, et 4,9 % des élèves en lycée professionnel. 18% des lycéens ou étudiants LGBT déclarent quant à eux avoir été insultés au cours des 12 derniers mois. Quand on est "out", les menaces sont donc plus fortes.

"Les études nous orientent et nous aident, donc le gouvernement nous sert au moins à ça, résume le directeur de La LanGouste à BreTelles, le centre LGBT d’Avignon. Mais ensuite, dans les faits, il n’y a plus personne. Heureusement qu’on trouve au moins des profs et des directrices et directeurs d’établissements compréhensifs et proactifs."

Banalisées, les violences homophobes et transphobes se sont parfois installées dans le quotidien des classes, en particulier dans les quartiers dits sensibles, où peu d'élèves osent en parler. Les conséquences sont connues : repli sur soi, échec scolaire, décrochage, pouvant aller parfois jusqu’à des comportements suicidaires.

"Les LGBTphobies restent ancrées dans notre pays"

Du coup, la campagne de sensibilisation contre la haine anti-LGBT créée par le gouvernement, appelée "Tous égaux, tous alliés", tombe un peu à plat. Lancée récemment par le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, trois ans après l’opération "L’homophobie n’a pas sa place à l’école", elle tarde à montrer ses résultats. En 2019, la campagne "ça suffit !" avait été un semi-échec. Les commentaires sous les vidéos YouTube de la campagne avaient même été désactivés.

"Les LGBTphobies restent malheureusement ancrées dans notre pays", déplorent les assos : 1870 victimes d'actes homophobes et transphobes ont été recensées par le ministère de l'Intérieur en 2019. Au total, 55% des personnes LGBT+ ont subi des actes anti-LGBT+ au cours de leur vie. Les personnes homosexuelles et bisexuelles ont en moyenne un risque de suicide quatre fois plus élevé que l'ensemble de la population, et les personnes trans sept fois plus.

Pour Véronique Cerasoli, de SOS Homophobie, la déception pointe déjà : "Ce plan va dans le bon sens, mais on peine à voir comment les mesures vont être mises en application, en termes de moyens et de coordination entre ministères", réagit-elle. "Nous saluons le comité de suivi. Nous serons vigilants", assure-t-elle. SOS Homophobie, qui fait également de la sensibilisation en milieu scolaire dans tout le pays, indique avoir constaté en 2020 une hausse de 38% des signalements "d'actes LGBTphobes en milieu scolaire". Le combat continue.