Non, les réseaux sociaux ne favorisent pas la dépression chez les jeunes

Pour arriver à cette conclusion, trois professeurs du département de psychologie de l'université norvégienne des sciences et technologies (NTNU) ont suivi 800 enfants âgés de 10 à 16 ans durant six années. Les résultats de leur enquête, publiée en juillet 2023, montrent qu’il n’existe aucun lien entre l’usage des réseaux sociaux et le développement de la dépression chez les jeunes.
  • La logique est la suivante : les jeunes passent de plus en plus de temps sur les réseaux sociaux et en même temps, ils sont plus nombreux à avoir des symptômes de dépression — 1 adolescent français sur 2 dit souffrir de symptômes d’anxiété ou dépressifs selon une étude Ipsos de 2022. Mais alors : il doit donc y avoir un lien entre les deux, non ? Eh bien non, si l’on en croit les conclusions d’une étude menée sur six ans par trois professeurs norvégiens de l’université des sciences et technologies située à Trondheim.

    Instagram = dépression ?

    Les enseignants ont suivi 800 jeunes « afin de rechercher des corrélations entre l'utilisation des réseaux sociaux et le développement de symptômes de maladie mentale », peut-on lire dans ce communiqué.

    « Nous avons collecté des données tous les deux ans, depuis l'année où les enfants avaient dix ans jusqu'à l'âge de seize ans. Cela nous a permis de suivre les enfants lors du passage de l'enfance à l'adolescence. Les symptômes d'anxiété et de dépression ont été identifiés grâce à des entretiens diagnostiques avec les enfants et leurs parents », détaille Silje Steinsbekk, l’une des professeurs de l’étude.

    Pour eux, il était primordial d'accompagner les « sujets » durant plusieurs années, mais aussi de pouvoir réaliser des entretiens approfondis avec tous les enfants afin d’avoir un vrai suivi psychologique. Pourquoi ? Car lors d’autres études sur le même sujet, « la santé mentale est souvent définie de manière large et couvre tout, de l'estime de soi à la dépression. Les données sont souvent collectées à l'aide de questionnaires. On ne sait pas exactement ce qui a réellement été mesuré et l'accent a souvent été mis sur la fréquence, c'est-à-dire le temps que les jeunes passent sur les réseaux sociaux », explique Silje Steinsbekk, avant d’affirmer : « notre étude nous a permis d'examiner plus en détail et de fournir une image plus nuancée des corrélations ». 

    D’après leurs résultats, publiés en juillet 2023 dans la revue Science Direct, « l'utilisation accrue des réseaux sociaux n'a pas entraîné une augmentation des symptômes d'anxiété et de dépression. »

    Les chiffres sont les mêmes pour les garçons que pour les filles, et les mêmes en fonction des usages — c’est-à-dire que l’on poste beaucoup sur les réseaux ou que l’on soit un consommateur de contenus. En résumé, les professeurs ont déterminé que l’acte d’aller consommer des contenus ou de publier des contenus n’était pas, en soi, quelque chose qui pouvait multiplier les risques de dépression chez les jeunes. Mais que d’autres facteurs — comme le cyberharcèlement ou la publication de photos compromettantes — pouvaient avoir des effets négatifs sur la santé mentale.

    « Notre étude révèle que si Kari ou Knut aiment et publient de plus en plus sur Instagram ou Snapchat, ils ne sont pas plus susceptibles de développer des symptômes d’anxiété et de dépression. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne vivent pas d’expériences négatives sur les réseaux sociaux, qu’ils ne se sentent pas dépendants ou exclus. Certains peuvent être particulièrement vulnérables et ce sont ceux-là que nous devons identifier », écrivent les enseignants. 

    Les chercheurs pointent ici du doigt le réel problème des réseaux sociaux : les dérives. Que ce soit l’addiction et la peur de rater quelque chose — le « fomo, pour « fear of missing out » —, le harcèlement en ligne, la publication de nudes ou la diffusion de vidéo intimes, ces incidents sont souvent une source de stress, d’anxiété et peuvent donc favoriser les risques de dépression. Par exemple en France, toujours selon l’enquête d’Ipsos, près d’un adolescent sur trois déclare avoir été victime de cyberviolence sur les réseaux sociaux ou par SMS : « des moqueries répétées (20%), des rumeurs le concernant (18%), des insultes répétées le concernant (17%), des menaces (14%), ou encore la diffusion d’informations intimes (12%). »

    Les professeurs soulignent l’importance de réussir à identifier les profils vulnérables afin de les accompagner le mieux possible, notamment sur le plan psychologique. Mais ils rappellent que les réseaux sociaux « offrent un espace de communauté et d'appartenance permettant de rester facilement en contact avec les amis et la famille. Les réseaux sociaux peuvent être une plateforme de soutien social et contribuer à protéger de la solitude les jeunes qui ont peu d’amis. »

    Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui sont nocifs, mais l’utilisation que nous pouvons en faire. Et pour éviter les dérives, il est peut-être nécessaire d’éduquer les nouvelles générations aux risques des réseaux et faciliter l’accès aux outils de contrôle parental, notamment pour préserver la santé mentale des enfants et des adolescents. Surtout dans un monde toujours plus connecté où l'usage des smartphones et d'internet débute de plus en plus tôt.

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