Parents et enfants transgenres : où en est la loi française ?

Une famille, on le sait, ça n’est pas que le sacrosaint "une mère, un père, des enfants". En France, la parenté transgenre reste pourtant un parcours du combattant. Si certain.e.s arrivent au bout de leur combat, une réforme s'impose.
  • Aujourd'hui, c'est la Journée internationale de visibilité transgenre. L'occasion de parler des parents transgenres qui se battent pour faire reconnaître leurs droits. Comme Ali et François, qui ont eu un bébé il y a trois ans. Un enfant porté par Ali, le premier homme enceint de France.

    Ce bébé, une petite fille, c'était un peu un bébé miracle : à l'époque où Ali veut changer son état civil, l'une des conditions immuables, c'est la stérilisation. « J’ai réussi à passer entre les mailles du filet » témoignait Ali au Huffington Post en 2021. 

    Cette obligation d'opération pour changer d'état civil a été levé en 2016, avec la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Mais en termes de transidentité et de filiations, tout reste à faire en France. Devenir légalement le père d’un enfant quand on a été reconnu au départ comme sa mère (ou inversement) est un véritable parcours du combattant. C'est Ali, en 2019, qui est devenu le premier homme trans a être reconnu comme le père de l'enfant qu'il avait porté. 

    Que dit la loi ? 

    En France, la loi sur la filiation est claire : la mère est automatiquement affiliée à l'enfant qu'elle porte, le père bénéficie quant à lui de la « présomption de paternité », mais seulement si le couple est marié. Il ne peut y avoir de doubles filiations maternelles ou paternelles que dans le cadre d'une adoption.  

    Comment Ali et son époux s'y sont-ils pris ? La justice a simplement profité d'un néant juridique pour trouver un arrangement au couple. Sur l'acte de naissance de leur enfant, il n'est fait nulle part mention des termes père ou mère et les informations sur le genre ne sont pas écrites noir sur blanc. Un tour de passe-passe qui a été mis en place par le parquet de Bobigny, mais qui ne sera pas forcément envisagé ailleurs.

    Un combat éreintant 

    Ainsi, à Toulouse, une femme trans (qui a souhaité rester anonyme) s'est battue pendant 8 ans pour apparaitre comme mère sur l'acte de naissance de sa fille biologique. Née dans le corps d'un homme, cette femme que la presse a rebaptisée « Claire » a eu trois enfants avec sa conjointe. La dernière a été conçue juste avant sa chirurgie de réattribution sexuelle. À la naissance de l'enfant, « Claire » (dont l'état civil a été changé) a voulu être affiliée à sa fille en tant que mère. Le combat a été éreintant, mais en février 2022, le parquet de Toulouse a finalement cédé. Une première en France. 

     

    Un code civil contradictoire et obsolète 

    Des victoires, il y en a, mais le grand changement doit se faire au sein des institutions. Avec la loi bioéthique du 2 août 2021 et l'ouverture à la PMA pour (presque) toutes les femmes, il pourrait y avoir de plus en plus de combats comme ceux menés par Ali, François « Claire » et sa conjointe « Marie ». Quand la maman transgenre a obtenu gain de cause, le 9 février dernier, son avocate Clélia Richard déclarait sur France Inter

    « C'est une victoire des droits fondamentaux sur un code civil qui, sur le droit de filiation, est contradictoire et obsolète. »

    La loi bioéthique a d'ailleurs été invoquée dans la décision des magistrats de Toulouse. Elle permet, dans un couple de femmes ayant recouru à la PMA, à la mère non-gestatrice de reconnaître l'enfant. Son changement d'état civil ? Une affaire privée, a estimé la justice. 

    Une fin heureuse que beaucoup de familles attendent toujours. Les associations défendant les droits des parents queer, comme l'AGLP, appellent à une réforme de fond. Toutes et tous espèrent que pour ce qui est de la parenté transgenre en France, la décision rendue dans le cas de « Claire » fera à l'avenir jurisprudence.
     

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