Ecologie : pourquoi la débitumisation, c’est du béton !

« Débitumisation » : voilà un barbarisme qu’on espère voir apparaître de plus en plus souvent dans les nouvelles politiques urbaines afin de rendre les villes plus résilientes au réchauffement climatique. Caen, Lille ou Paris montrent déjà l’exemple.
  • Les rues transformées en Aquasplash à la première intempérie. Sur le papier, cela semble amusant. Mais dans les faits, c’est carrément inquiétant. À chaque orage violent, on voit des centres-villes noyés sous l’eau et des escaliers de stations de métro changés en cascades. Et ces images nous rappellent qu’il est urgent de repenser aménagement des sols.

    Moins de béton, plus de végétation !

    A force de bitumer les villes à tout-va, les sols sont devenus imperméables. Ôter ces croûtes à base de pétrole distillé permettrait, en cas de pluies violentes, une meilleure infiltration des eaux dans les sols plutôt qu’un ruissellement dans les rues. En plus de soulager le réseau d’évacuation des eaux, moins de bitume évite la formation d’îlots de chaleur urbains.

    Les pouvoirs publics commencent à prendre conscience du problème. En 2019, le Xe arrondissement de Paris a lancé le projet « Pète ton bitume », en concertation avec les habitants du quartier, pour identifier les endroits où le marteau-piqueur s’en donnerait à cœur joie. À l’instar du « Permis de végétaliser », mis en place en 2015 par la municipalité, l’idée est de créer un « Permis de débitumer » aux habitants pour deminéraliser leur quartier.
     

    Lille a enlevé du béton pour mettre de la terre dans ses 79 écoles et Nantes vient de lancer un "Plan pleine terre" visant à faire passer 7 hectares du gris au vert. À Caen, 35 000 m² – soit 3,5 terrains de foot – de sols naturels ont été restauré ces deux dernières années. Une initiative qui doit avant tout bénéficier aux habitants.es, explique Julie Callberg-Ellen, adjointe au maire en charge de la transition écologique :

     

    « L’idée est de se réapproprier ces endroits et de pouvoir marcher dessus. »

    Repenser notre vision de l’aménagement

    Selon le paysagiste Jean-Marc Bouillon, l’infiltration naturelle de l’eau est un procédé « huit fois moins cher » que le recours à un système complexe de tuyauteries, bassins de rétention, de pompes et de stations d’épuration. Bien entendu, personne ne dit qu’il faut revenir au Moyen-âge et ses rues en terre. L’idée, clame Jean-Marc Bouillon, est simplement de repenser notre vision de la nature en ville :

    « Chaque fois que l'on refait une rue, une placette, une cour d'école, il faut faire en sorte que la nature ne soit plus seulement décorative. Progressivement, on va décimenter la voirie, les surfaces minérales et faire en sorte que l'eau aille gentiment dans le sol. »

    Ces petites victoires contre le 100% bitume s’inscrivent dans une lutte globale contre l’artificialisation des sols. Les récents abandons des projets de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et du méga complexe EuropaCity, à Gonesse, suite à d’importantes mobilisations citoyennes, démontrent que la population s’est emparée du sujet. Mais le combat est encore très loin d’être gagné : selon l’association Terre de lien, l’équivalent d’un département français disparaît sous le béton tous les 13 ans.

    Le bitume ? Laisse béton !

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