2021 M09 22
Ryan Honary a 10 ans lorsque éclate le brasier de "Camp Fire". Il est en voyage mais, à la TV, les images de l’incendie qui ravage le comté de Butte lui rappelle sa propre maison, plus au sud en Californie. Le foyer durera 3 semaines, détruira 18 000 bâtiments et 85 personnes y laisseront la vie.
Ce qui choque le plus le petit Ryan, c’est que la majorité des dégâts ont eu lieu au cours des 6 premières heures de l’incendie. Malgré son jeune âge, il en a la conviction, c’est au tout début de la catastrophe que tout se joue. Il se dit que si on pouvait accélérer la compréhension de l’intensité de l’incendie et de sa progression, une réponse plus efficace pourrait être donnée.
Il n’est qu’en CM2, mais quand leur instituteur lui réclame un projet scientifique, il choisit de créer un détecteur d’incendie. Une circuit électrique basique installé sur la planche à couper le pain de la cuisine qui remplit le même rôle que les détecteurs de fumée de nos appartements. Mais ce sera l’étincelle qui va le conduire bien plus loin.
Programmé pour devenir un génie
« Grâce à la carrière de mon père, j'ai été exposé très tôt à la programmation, raconte-t-il à Inhabitat, et j'ai commencé à créer mes sites web alors que je n'étais qu’en CE2 ». Son papa, Hooman Honary, dirige effectivement la startup NxTV qui conçoit des applis pour chambres d’hôtel. Pour aller plus loin, Ryan lit beaucoup et apprend les langages Python et Javascript en atelier extrascolaire. Passionné par la question de l’environnement, il demande beaucoup d’explications et de conseils à ses professeurs qui l’aident à s’informer.
Avec le temps, il s’intéresse aussi aux intelligences artificielles prédictives, ces algorithmes qui reconnaissent des signaux et déduisent la suite la plus probable. Il va alors se mettre en relation avec un doctorant de UCLA pour mieux comprendre le machine learning, ce traitement des big datas qui affine la précision d’un algorithme. Pour améliorer son programme, lui va récupérer toutes les données disponibles sur l’incendie de Camp Fire, notamment depuis Google Earth. Son objectif est très clair : comprendre comment fonctionnent les incendies géants, et les enrayer.
Un engrenage infernal à désamorcer
Lorsque les incendies de forêt massifs se sont répété en Californie, Ryan a constaté qu’en plus de dévaster la nature, tuer des animaux et prendre des vies humaines, ils détériorent aussi la qualité de l’air. A raison ; en quelques années, les incendies d’origine criminelle ou accidentelle qui ravagent les forêts ont pris un tournant endémique. Le réchauffement climatique associé aux nappes phréatiques vides créent des situations de sécheresse qui fragilisent les forêts.
Engineering a masterful idea: Pegasus School's Ryan Honary a finalist in national science competition https://t.co/aAOCnap7vS
— The Daily Pilot (@TheDailyPilot) September 26, 2020
Conséquence de quoi, la fréquence de ces feux augmente chaque année au point qu’ils jaillissent même en hiver, comme le confirmait le chercheur du CNRS Toussaint Barboni. Un malheur n’arrivant jamais seul, ces feux relâchent dans l’atmosphère 300 à 900 milliers de tonnes de CO2 et des suies imperméables qui vont accentuer le réchauffement climatique.
« J'ai commencé à réfléchir à la façon dont la technologie pouvait être utilisée pour résoudre ces problèmes environnementaux », explique l'ado désormais collégien. Un feu c'est un enchaînement de circonstances : « Par grand vent, les incendies peuvent se déplacer jusqu'à 25 km/h, ce qui rend la détection précoce cruciale. » Ryan a alors conçu un dispositif plus large qui englobe tous les paramètres.
Son installation repose sur un réseau de capteurs (température, feu, hygrométrie, fumée) reliés à des mini-stations météorologiques. Le réseau connecte tous les nœuds afin qu’ils puissent échanger entre eux en temps réel. Dès qu’un départ de feu est reconnu, l'info est transmise à la mini-station qui le signale dans une application qu'il a codé. Les capteurs étant espacés de 30 à 50 mètres maximum, il est ainsi possible de suivre l'évolution et la direction d'un brasier pour prévoir où agir.
Le jeune Honary a présenté sa solution à l’Ignite Innovation Student Challenge 2019, un concours scientifique destiné… aux lycéens. Et qu'il a remporté.
Sauvelemonde Inc.
A 13 ans, Ryan a lancé sa propre startup : SensoryAI. Son approche a intéressé l'Office of Naval Research, département scientifique de la marine fédérale dont les chercheurs ont rejoint ses travaux en matière de prédiction d’incendie. Ils ont apporté une enveloppe d’1,3 millions d’euros pour qu'il continue ses travaux. « Je dirige la partie environnementale de mon entreprise (…) je suis encontact avec les chercheurs du Service des Forêts et de l'Agence de protection de l’environnement qui me fournissent leurs données pour continuer à mener mes recherches. »
Demain, les applications de son réseau prédictif pourraient concerner les fuites de gaz dans les raffineries ou les risques d’empoisonnement de l'eau. Pour avancer, ce jeune startupper pas comme les autres s’accroche a ce qui compte pour lui : « Quand je commence à être contrarié, je pense aux animaux. Je ne fais pas ça pour moi, je le fais pour eux. (...) Par exemple, les feux de brousse en Australie ont tué environ 3 milliards d'animaux. Un chiffre très proche de notre population de 7,9 milliards d'habitants. » Les temps changent ; qui a dit que l’argent était le seul moteur des startups ?