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A Cannes, le cinéma devient plus écolo avec Ecoprod (et sa palme verte est attribuée à…)

Pour la première fois, deux films ont reçu le prix Ecoprod qui récompense des tournages éco-responsables. Production, tournage, thématiques naturelles… ces longs métrages ont tout bon. Partenaire du prix, Les Éclaireurs vous emmène en coulisse rencontrer les lauréats.
  • Le 75e festival de Cannes était aussi attendu que le printemps après un trop long hiver. Et il prédit de beaux fruits pour ce printemps résolument tourné vers le futur, avec un colloque sur l’avenir du cinéma (chamboulé par la pandémie, le streaming) et la première remise du prix Ecoprod, qui met à l’honneur les films dont le tournage a opté pour l’éco-production.

    C'est ainsi que jeudi 26 mai, le jury Ecoprod a couronné, non pas un mais, deux films projetés à Cannes parmi les 10 sélectionnés. And the winner is… La Cour Des Miracles, de Carine May et Hakim Zouhani.

    Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, Sous Les Figues, d’Erige Sehiri, a lui reçu le prix du jury. Deux longs métrages qui tirent des liens avec la nature dans leur histoire comme derrière la caméra, en changeant la façon de réaliser.

    Un cinéma au rythme du soleil

    Sous Les Figues dépeint les relations se nouant au long d’une seule journée entre des femmes récoltant les figues dans un verger de Tunisie. Après des films documentaires, cette première fiction ne se contente pas d’aborder une thématique agricole mais profite d’un soleil estival pour tourner intégralement en lumière naturelle. A la clé, des économies sur le budget et un bilan énergétique léger comme une feuille. Malin.

    Pour parler d’environnement, La Cour Des Miracles ne va pas dans les champs mais convoque l’écologie au cœur de la ville, en racontant comment une directrice et un instituteur vont créer la première « école verte » de banlieue. Des quartiers populaires peu représentés quand on évoque l'écologie alors que « dans ces quartiers, nous a confié Hakim Zouhani, les rares espaces verts disparaissent aux profits de promoteurs immobiliers qui installent des cubes de béton partout ».

    cour des miracles

    Toute une éducation est à faire mais pas forcément là où on l'attendrait : « Alors que la question "nous faisons partie du même pays" est loin d’être réglée, on se rend compte que la problématique d’aujourd’hui, c’est que nous faisons partie de la même planète, et qu’elle est en train de mourir ».

    A bonne école, les réalisateurs aussi ont dû ré-apprendre leur métier en intégrant des partenaires « pour nous accompagner dans cette démarche et réduire notre impact environnemental ». Des gestes simples (favoiser le vrac, une machine à café en grains pas en capsule, des gâteaux maisons mais pas de biscuits sous vide) et d'autres plus réfléchis.

    Plutôt que de se déplacer entre les décors, Carine May et Hakim Zouhani ont opté pour un lieu "quasi-unique" qui a permis de stocker tout le matériel au même endroit :  « caméra, déco, électricité et machinerie, nous évitant le transport du matériel et l’utilisation de camions».

    Silence, moteur et (bonnes) actions

    Changer le cinéma pour introduire la conscience environnementale, cela vous semble peut-être futile ? Mais si l'on pense plus à l’industrie et aux transports quand on parle d’impact carbone, le monde des caméras ne fait pas exception, rejetant près d’1,7 million de tonnes de CO2 chaque année selon une enquête d’Ecoprod. C’est bien ce que veut changer cette association, créée en 2009 pour accompagner la transition écologique dans le secteur audiovisuel. 

     

    L’asso fournit déjà de nombreuses ressources, outils et formations à ceux qui cherchent comment s’améliorer : on peut ainsi commencer par réduire les déchets, envisager des cantines moins carnées, concevoir des décors réalisés en matières biosourcées ou recyclées, et même calculer l’empreinte carbone de tout un film et chercher les solutions avec un spécialiste dédié. Les dispendieux blockbusters s’y mettent, alors pourquoi pas les productions plus sobres ?

    Les institutions bougent déjà sur ce point : avant de verser ses précieuses subventions, le Centre National du Cinéma va exiger dès l’an prochain la réalisation d’un bilan carbone. Le festival de Cannes accueille lui une table ronde faisant découvrir les tournages éco-responsables car ceux-ci ne sont pas prédéfinis par des critères fixes.

    Montrer l'exemple, l'essence du cinéma

    Mais il y a un point qui apparaît clairement : « Parce qu’elle véhicule des messages et façonne les représentations collectives, décrivait Ecoprod en présentation de son palmarès, cette industrie a une responsabilité particulière dans la prise de conscience écologique ». Depuis sa cour des miracles, Carine May ne dit pas autre chose : « Il nous fallait être cohérent : plus de 200 enfants ont participé au tournage, donc il s’agissait de donner l’exemple. On ne pouvait pas leur expliquer les scènes à jouer qui valorisent l’importance de la nature et faire tout le contraire sur le plateau ». Montrer, c'est l'essence du cinéma.

    Aujourd'hui, Ecoprod réunit 80 entreprises, associations et personnes majeures du secteur cinématographique, dont CANAL+ et les Éclaireurs qui se sont associés à ce prix unique. Gardez les yeux ouverts : le cinéma a commencé un long traveling vers la lumière. Elle est bonne, ne coupez pas.

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