À voir : "Feu Follet", la comédie musicale des pompiers queer qui donne chaud

Réalisé par le cinéaste portugais Joao Pedro Rodrigues, le film « Feu Follet » sorti en 2022 est une histoire d’amour entre deux pompiers qui mêle le colonialisme, la sexualité et l'écologie. Le long-métrage musical est actuellement disponible sur myCANAL.
  • Nous sommes en 2069. Le roi Alfredo est mourant, allongé sur une table et recouvert d’un drap coloré, comme s’il était déjà mort. À ses côtés, un enfant joue avec des Playmobil. Il y a un camion de pompiers rouge avec deux soldats du feu : un conducteur blanc et un pompier noir sur une nacelle. Quand le roi ouvre les yeux, il fixe le Playmobil noir et dit :

    « Afonso. Un ami sûr, aussi fidèle que l’amitié […] Mon amour. Un arbre, un ami dont nous devons prendre soin ».

    Et en quelques secondes, sur un air de musique à l’accent médiéval, on replonge 58 ans plus tôt en 2011. Le prince Alfredo est un adolescent aux cheveux bouclés qui est dans la forêt avec son père, ce dernier entame les mots récités plus haut : « Un arbre, un ami dont nous devons prendre soin ». Quelques années plus tard, Alfredo est à table en train de dîner avec sa famille. À la télévision, les images d’un incendie qui a ravagé le pays. Le jeune homme se lève, récite un passage d’un discours de Greta Thunberg — celui-là — puis la porte se ferme. Une année plus tard, toujours assis à la même table, le jeune prince demande la permission à ses parents de devenir sapeur-pompier. Silence général. Un éclat de rire de sa mère, qui refuse catégoriquement. Le père est plus pragmatique : le fiston pourrait devenir commandant des pompiers. Mais le prince veut être un simple sapeur-pompier et commencer tout en bas de l’échelle. 

    Le prince des pompiers ?

    Voici le début de Feu Follet, un long-métrage de 65 minutes réalisé par le cinéaste portugais Joao Pedro Rodrigues en 2022, et disponible sur la plateforme Hello de CANAL+. Une « fantaisie musicale » (sic) qui aborde plusieurs thématiques comme le désir, le colonialisme et le réchauffement climatique à travers une histoire d’amour entre un jeune prince qui devient donc pompier volontaire et l’un de ses camarades, Afonso, aussi étudiant en sociologie — le fameux Playmobil noir dans la première scène. Les deux garçons se rencontrent dans le bureau de la commande, qui demande à Afonso d’initier et d’entraîner Alfredo. Une longue poignée de main, leur premier contact tactile, donne le ton pour la suite. 

    La suite de cette histoire d’amour mêle l’univers des pompiers à la sensualité et à la sexualité — les douches, le calendrier des pompiers où les hommes devront reproduire des tableaux connus en faisant des poses osées, les gestes à maîtriser durant un arrêt cardiaque ou encore le fameux bouche-à-bouche, etc.

    Par exemple, la compression thoracique devient une scène très sexe avec un premier rapprochement en douceur. Les chorégraphies des passages musicaux — notamment à la caserne — permettent aussi aux deux protagonistes de se rapprocher. L’alarme retentit : il est temps de partir en intervention dans la forêt. Sauf que sur place, ce n’est pas un feu qui attend Alfredo, mais Afonso, nu, adossé à un arbre. C’est à ce moment que la scène la plus crue mais aussi la plus drôle du film se déroule. Les deux garçons font l’amour et se caressent tout en balançant chacun leur tour des mots doux comme « russe blanc », « or noir », « chocolat noir », « impérialiste » ou encore « roi blanc ». Les faux sexes en érection caressés par les deux garçons lors d’une vraie scène d’amour ajoutent du contraste et permettent justement de donner à cette scène un ton plus léger, comme s’il s’agissait presque d’un rêve, d’un fantasme. 

    C’est donc avec la forêt — notamment les arbres qui ressemblent à des sexes en érection gorgés de sève — et les codes des pompiers que le cinéaste jouent pour déplier une histoire qui aborde subrepticement plusieurs thématiques : l’écologie (la forêt qui brûle, le réchauffement climatique, les accords de Paris), le colonialisme, l’initiation à la sexualité, le sexe (la buée dans les vestiaires, les pénis montrés en photo) ou encore la mort.

    La force de ce film réside dans la subtilité avec laquelle ces sujets sont abordés, laissant une grande place à l’imaginaire. Avec Feu Follet, Joao Pedro Rodrigues n’est donc pas une confrontation frontale : il vous prend par la main et vous accompagne en douceur. Comme une balade en forêt où tout, ou presque, serait très sensuel. 

    Le film est à regarder ici sur la plateforme Hello de myCANAL

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