Maria Anna Mozart

Amadeus lui doit tout : connaissez-vous Maria Anna, grande sœur de Mozart ?

Si vous connaissez le compositeur, c’est en partie grâce à sa sœur qui a conservé ses correspondances et partitions. Mais elle fut bien plus que cela : pianiste, compositrice et concertiste, elle fut aussi sa muse.
  • En 1984, tout le monde acclame le film Amadeus retraçant la vie dissolue et ébouriffante du plus célèbre compositeur classique. Le biopic va remporter une quarantaine de prix dont 8 Oscars, même si les spécialistes se batailleront sur des détails musicaux et des incohérences chronologiques. Pourtant, un point majeur est rarement évoqué : l’absence totale de sa sœur. 

    Même dans la version rallongée de 2002, Maria Anna Mozart n’apparaît dans aucun plan alors qu’elle fut le modèle du compositeur. Hélas ce n’est pas la première fois qu’elle est effacée de l’Histoire…

    Elle jouait du piano de bout… en bout

    Née en juillet 1951, cinq ans avant le compositeur prodige de Vienne, Maria Anna Mozart a reçu une éducation bourgeoise et son père, Leopold Mozart, expert en violon, ne manque pas de lui apprendre la musique. Dès 7 ans, elle devra apprendre un instrument et jettera évidemment son dévolu sur le violon. Mais son papa lui refusera cet accès, au titre que cet instrument est trop noble... pour une femme. 

    Elle apprendra donc le piano-forte et le clavecin. Avec succès : Leopold Mozart l’emmène en tournée Européenne où elle peut se produire devant les grands de ce monde.

    Wolfgang, Maria Anna et Leopold Mozart

    C’est une véritable tournée européenne : seule ou avec son frère, Maria Anna a joué dans près de 80 villes et les gazettes ne manquent pas de la remarquer : « Imaginez une petite fille de 11 ans, jouant les sonates et concertos les plus difficiles des plus grands compositeurs sur son clavecin ou son piano-forte » décrit un journal en 1763 après son récital dans la ville d'Augsbourg, soulignant en particulier qu’elle fait montre de « précision, [d’]une incroyable légèreté, avec un goût parfait ».

    Mais alors, pourquoi un tel talent a-t-il été oublié depuis ? Simplement parce que c’était l’avenir réservé aux femmes de l’époque : être une épouse, et rien d'autre.

    L’amour est dans le pré(lude)

    Dans sa famille, Maria Anna était surnommée « Nannerl » (de « Nana », version infantile d’« Anna » affublée du suffixe autrichien « erl », affectueux mais diminutif). Sobriquet gentil mais rabaissant, qui restera collé à la « grande sœur » toute sa vie. Maria Anna avait pourtant prouvé sa valeur mais elle restera avant tout réduite à son sexe : une femme. 

    En temps que telle, son père voulut surtout lui offrir un beau mariage – c’est à dire avec un aristocrate d’une cour d’Europe – et c’est pour cela qu’il la forma à la musique. Mais jamais, il ne fut question qu’elle vive de son talent. Elle n’en manquait pourtant pas. Elle en débordait, même.

    Alors que Nannerl a 16 ans, elle arrête de se produire en concert car son père lui cherche un époux. Dans la relation épistolaire complice qu’elle entretenait avec son frère, à son tour parti en tournée, il lui partage sa passion et profite de ses lumières et conseils. C’est elle qui a retranscrit, de mémoire, des menuets de Michel Haydn entendus une fois en concert, pour que son frère puisse les interpréter.

    Mais tous deux échangeaient aussi des compositions. Grand amateur de celles de sa sœur, le jeune Wolfgang lui demanda régulièrement son avis et ses conseils sur ses propres créations, quand il ne s’agissait pas carrément de lui faire ajouter des orchestrations. Amadeus aurait même joué certaines des pièces de Nannerl avant que son père ne le lui interdise. Plus surprenant encore, certains concertos pour violon de Mozart pourraient bien être à l’origine... des compositions de Maria Anna.

    C’est ce qu’affirme le musicologue Martin Jarvis qui a étudié la graphologie des courriers et des partitions concernées. Sans doute parce qu’elle était obéissante, ou soumise, Nannerl s’effaça dans l’ombre de son frère, et ce même après sa mort, se contentant de collecter et d'archiver les écrits du virtuose.

    Mezza voce, une vie à voix basse

    En 1784, Leopold finit par la marier à un vieil aristocrate déjà père et veuf. Maria Anna Mozart avait alors 33 ans et ne composait plus depuis 15 ans, se limitant à enseigner la musique… à des jeunes hommes.

    A l’heure de réhabiliter les femmes qui ont marqué l’histoire, sa vie a fait l’objet d’un film romantique et est relatée en détail dans le livre Mozart était une femme, de la journaliste Aliette de Laleu. Cette dernière s’applique à montrer que Maria Anna n’est pas un cas isolée : Clara Schumann et Fanny Mendelssohn ont été condamnées au même mutisme derrière leurs maris. Aujourd’hui encore, les compositrices manquent encore trop souvent dans les palmarès et jury dont les Victoires de la musique classique… Il serait temps, ici aussi, de faire chavirer quelques vieilles perruques.

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