Comment Grenoble veut devenir la première ville "zéro mégot"

Le maire Éric Piolle a été clair sur son projet : diviser de moitié le nombre de cigarettes jetés au sol... et interdire purement de fumer dans certaines rues. A l'occasion du World Clean Up Day, on fait le point sur cet exemple à suivre.
  • Pas coule. L’écologie, ce n’est pas que planter des éoliennes et décarboner les transports, cela commence aussi en bas de chez soi. Dans le caniveau. Là où atterrit plus d’1 cigarette sur 4 (27% précisément), au lieu de terminer sa vie dans un cendrier. Quand on sait qu’un filtre usagé peut polluer plus de 400 litres d’eau à lui seul (merci ammoniac, cadmium, cyanure d’hydrogène etc, qu’il contient) et qu’on ramasse près de 23,5 milliards de mégots chaque année, on vous laisse calculer l’ampleur du désastre.

    Pour ne pas se contenter de regarder couler l’eau empoisonnée sous ses ponts, la ville de Grenoble a décidé de passer à l’action. Avec un objectif net : réduire d'au moins 40 % le nombre de cigarettes jetées au sol avant 2027.

    Pas sur le trottoir, dans le cendar”. Selon un sondage, 80 % des fumeurs estiment ne pas trouver de cendrier facilement quand ils fument. C’est pourquoi, depuis 2018, la municipalité a installé une cinquantaine de cendriers urbains de grand volume, devant des bars et lieux de culture. Selon la mairie, chaque cendrier récupère, en moyenne, 1700 vieilles cigarettes par mois.

    Cette année, elle a ajouté à certains arrêts de bus et trams des bornes de collecte et, dans les plus fréquentées, des "cendriers ludiques" : ces boîtes qui transforment l’action de jeter en "vote" pour ou contre. Exemple : "OM ou PSG ?", "Chocolatine ou Pain au chocolat ?"… un coup de pouce malin (les Anglais parlent de "nudge") pour inciter à jeter en s’amusant. 

    nudge cendrier ludique

    Maintenant, la mairie verte accélère le mouvement en signant un partenariat avec Alcome, un éco-organisme peu connu mais chargé par le gouvernement d’appliquer la REP (Responsabilité élargie des entreprises) en matière de tabac, c’est-à-dire mettre en place une filière professionnelle de récupération des déchets de cigarettes. Depuis le 17 mai, Grenoble est devenue une « commune pilote » et développe des expérimentations sur 4 zones pour mieux suivre et comptabiliser leurs effets.

    Impliqués dans cette action, les buralistes (vendeurs de tabacs) et certains commerçants ont ainsi reçu des cendriers de poche qu’ils peuvent offrir à leurs clients.

    Des affiches préventives et d’information contre le cancer ont été installées dans certaines rues "festives". Mais Grenoble compte bien aller plus loin encore et supprimer tous les mégots à terme, en interdisant la cigarette dans certaines zones.

    Chasser la clope là où elle est. Un décret de ce type frappe déjà une première rue, devant un groupe scolaire, devenue un « espace sans tabac ». Une rue piétonne sans bar ni restaurant où les parents sont informés sur le tabagisme passif pour mieux les dissuader d’enfumer les enfants. 

    Comme 5 autres communes en France, de taille moindre, Grenoble constatera prochainement si (et combien) les nouveaux cendriers sont utilisés, si le décret est respecté et dans quelle mesure les agents municipaux ramassent effectivement moins de mégots. De nouveaux lieux seront alors ciblés.

    Pour rappel, depuis le 1er février 2007, il est interdit de fumer dans tous les lieux recevant du public en France. En particulier, les bureaux, les écoles et lieux de soin sont ainsi circonscrits tandis que les lieux « de convivialité » tels les restaurants, bars etc doivent selon la loi s’équiper d’espaces dédiés « clos, équipés de dispositifs de ventilation puissante »… L’expérimentation menée par Grenoble pourrait à terme faire évoluer encore cette loi en intégrant... des lieux extérieurs. Une mesure jugée "dure", mais toujours moins que l'interdiction formelle du tabac.

    Crédit Une : Flickr Ivan Radic

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