

Elle tricote les cheveux pour en faire des fringues
Camille Routélous, une jeune Castraise, a créé un fil à partir de laine et de cheveux. Une façon de recycler une matière humaine naturelle qui finit d’ordinaire dans les incinérateurs de déchets.
2022 M02 25
Quand on y pense, quel gâchis tous ces cheveux coupés qui finissent dans les poubelles des salons de coiffure ! Et pourquoi ne pas leur trouver une seconde vie ? Pour recycler les tignasses même les plus rebelles, Camille Routélous, une jeune designeuse formée aux Beaux-Arts de Toulouse tisse et tricote sa fibre composée de laine et de cheveux pour en faire des vêtements bien chauds.
Une passion pour le cheveu de longue date
Elle travaille depuis sept ans sur la matière cheveu pour, à la fois, nourrir une réflexion sur sa participation à l’identité d’un individu et son utilisation limitée jusqu’à présent à des perruques ou de l'engrais naturel après récupération. « C’est une passion ! je me sens liée à la matière cheveu depuis que je suis petite par un événement et ça a été une révélation » s’enthousiasme Camille. Au cours de ses études de design, elle a rencontré de nombreux professionnels pour en apprendre plus sur cette matière à la forme si particulière et aux caractéristiques moléculaires qui la fascine. Elle a alors eu envie d’inventer un textile upcyclé à partir de cheveux. « Le Tarn a été un bassin textile important. J’ai voulu renouer avec mes racines castraises et le savoir-faire local » explique la jeune femme qui a un oncle tapissier-décorateur.

Un vêtement autonettoyant
En janvier 2020, soutenue par l’ARESO l’association régionale d’écoconstruction du sud-ouest, elle se rapproche d’une filature ariègeoise, d’un atelier de tissage et d'un autre de tricotage dans le Tarn, déterminée à travailler le cheveu de manière subtile. « De nombreux essais ont été nécessaires mais avec les bons pourcentages, les bons mélanges et un process spécifique de filature, on a fini par obtenir un fil assez résistant ». Et bonne nouvelle, ça marche avec tout type de cheveu. Au final, la fibre obtenue est brute, non traitée et non teintée. Comme la laine, il est possible de la laver à la main ou en machine sur le programme délicat. Ultime propriété bluffante : « On n’a pas forcément besoin de la laver puisque la matière kératinique laine-cheveu est autonettoyante et neutralise les mauvaises odeurs » souligne la jeune designeuse. Pratique, non ?
Un fonctionnement en économie circulaire
Camille se fournit en cheveux auprès de 70 salons de coiffure de la région. Puis ils sont triés, nettoyés et enfin mélangés avec la laine pour devenir cette fameuse fibre 100% naturelle aux propriétés décrites précédemment. « Ce fil est une super innovation qui respecte la planète et l’humain. Tout a été conçu et fabriquer dans un rayon de 80 kilomètres. Je voulais des vêtements le moins impactant possible pour l’environnement ». Après une campagne de financement participatif sur Helloasso, Camille a pu créer sa mini collection Versus, composée de bonnets et de vêtements de type poncho. Des modèles qui portent les (pré)noms Damien, Martine, ou encore Chantal, en hommage aux coiffeurs partenaires. Au cours d’une première opération de vente, elle a enregistré un score très honorable de 50 commandes. « Des pièces qui coûtent le prix juste d’une production française et locale c’est-à-dire 40€ pour un bonnet et 140 à 160€ pour un poncho » précise-t-elle.

Des vêtements retravaillés en fonction des premiers retours
Sur la peau, il parait que le contact est un peu rustique comme les pulls en laine d’antan. « Spoiler Alert : la peau peut s’adapter au changement de matière. On a quand même été mal habitué à porter des fibres synthétiques, très lisses. Alors il faut y aller progressivement et on s’habitue petit à petit ». Bref, les fibres pétrochimiques ont rendu votre peau trop délicate. D’ores et déjà, Camille travaille avec une amie teinturière -toujours de la région- pour essayer de colorer ses vêtements de laine et de cheveux avec des produits naturels qui ne dénaturerait pas la matière initiale.
Crédits Photos @Julie Cousse Photographe