Jane Birkin

Jane Birkin n'était pas qu'une icône pop, c'était aussi une sacrée militante (exactement)

A 76 ans, la plus Française de toutes les Anglaises s’est éteinte. Une vie fructueuse pour celle qui est montée sur les planches à 16 ans. Car si vous la voyez chanteuse, actrice et réalisatrice, elle était aussi résolument humaniste, anti-raciste et icône féministe.
  • En 2011, Jane Birkin tourne au Japon avec un spectacle de réinterprétations de textes de Serge Gainsbourg sur des musiques orientales. Une part des fonds va aux victimes du tsunami de Sendaï. Deux ans plus tard, elle tourne en France avec son spectacle Arabesque, transposant Gainsbarre sur des musiques orientales cette fois ; une occasion de dédicacer et vendre des bracelets au profit des femmes japonaises, que la catastrophe a laissé sans emploi et incapables de se reloger…

    Elle était comme ça, Jane Mallory Birkin : une femme impliquée dans de nombreuses causes et sur un temps long. C’est ainsi qu’elle avait défilé avec Robert Badinter pour demander la fin de la peine de mort en France, une conviction initiée dans sa jeunesse par son père, David Birkin, alors qu’elle n’avait encore que 12 ans.

    Face à la haine, face à Le Pen

    Politique par nature, elle s’est rendue en 1995 en Bosnie pour dénoncer les bombardements serbes. Elle a aussi soutenu la militante des droits de l’homme Aung San Suu Kyi contre la junte birmane, alerté contre la guerre menée par Bachar Al-Assad en Syrie et plus généralement contre toutes les oppressions à l’intégration. Elle aura aussi été une figure de proue du mouvement pour la régularisation des sans-papiers à la fin des années 2000.

    Farouchement opposée au racisme, elle défilait en tête du cortège contre Jean-Marie Le Pen lors de son accession au second tour des élections présidentielles d’avril 2002. Rebelote en mai 2017, où elle a rejoint sur scène Pete Doherty et rappeur Féfé dans un concert gratuit place de la République contre Marine Le Pen. « Serge [Gainsbourg] et moi sommes issus de familles d’immigrés, racontait la muse du compositeur à L’Humanité en 2010. Je sais à quel point il est difficile de s’intégrer dans un pays surtout lorsqu’on est stigmatisé par ses dirigeants politiques ».

    Femme jusqu’au bout des ongles

    Débarquée à 17 ans d’Angleterre pour devenir comédienne, Jane Birkin explosa en devenant la muse et l’interprète de Serge Gainsbourg. Moins provoc’ que lui, elle déstabilisera souvent l’opinion publique française par sa spontanéité et sa franchise que certain confondent avec de la naïveté. Elle dit ce qu’elle pense, y compris ce qui touche, émeut ou ne se dit pas. Ses gémissements sur la sulfureuse chanson Je t’aime moi non plus (censurée de nombreuses années en radio) ou sa photo en « mineure détournée » avec peluche, tâches de rousseur et jeans dézippé sur la pochette de "Melody Nelson", participent à changer l’image des femmes en France, plus indépendantes et conscientes de leur sexualité.

     

    Elle n’oubliera pas les grands combats comme le droit à l’avortement. Dès 1972, elle s’était jointe à la manifestation en faveur des femmes qui avaient aidé Marie-Claire Chevalier, lycéenne ayant avorté clandestinement après un viol. Jane supportait évidemment le mouvement MeToo et la libération de la parole contre le harcèlement et s’était, plus récemment, coupée une mèche de cheveux en soutien aux femmes iraniennes manifestant suite à la mort de Mahsa Amini qui avait refusé de porter son voile.

    Une influence avant les influenceuses

    Consciente des urgences environnementales, elle avait appelé le gouvernement à faire du réchauffement climatique sa priorité, comme de nombreux artistes et personnalités, dans une tribune publiée au Monde en 2018. Très concrètement, alors que le directeur de la marque Hermès lui fit créer spécialement un sac de voyage (le sac Birkin Croco) en 1981, Jane se retournera vers la marque 30 ans plus tard pour reprocher ses conditions de production. Elle exigera alors que la maison de luxe fasse évoluer les conditions d’élevage et d’abattage des alligators en accord avec les revendications de la PeTa… et l’obtiendra.

    Au final, tout rappelle combien Jane Birkin a porté de luttes tout au long de sa vie, faisant profiter les causes importantes des regards sur son physique (de mannequin d'abord puis de femme mûre, en l'assumant), de sa voix, bref de son aura médiatique. Ce qu’on appellerait aujourd’hui une influenceuse. Hats off, comme on dit en anglais.

    Crédit photo Une : Nicolas Genin

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