Pour éviter de polluer, il existe une alternative aux pesticides : les animaux

Canards, abeilles, mésanges... Autant de compagnons à adopter pour se passer des intrants chimiques et donner un coup de pouce à la nature. Petite visite de ces solutions pas si bébêtes.
  • L’image a de quoi surprendre les touristes. Pourtant en Thaïlande, les cultivateurs lâchent des canards par centaines (voire des milliers) dans leurs rizières. Une technique 100 % naturelle pour faire la chasse aux escargots, limaces, et aux insectes ravageurs sans avoir recours aux pesticides qui risqueraient d’empoisonner les consommateurs ou polluer les sols.

    Évidemment, les palmipèdes ne se limitent pas à cette mission, ils dévorent aussi certaines mauvaises herbes, oxygènent la terre en la piétinant et laissent derrière eux des fientes qui feront office d’engrais naturel. Le tout sans jamais s’attaquer aux pousses de riz.

    Un pesticide naturel, ça vous en bouche un coin-coin

    Déjà pratiquée depuis des siècles au Japon, cette technique nommée Aigamo a été adoptée par des milliers de Thaïlandais qui économisent ainsi les pesticides et réduisent leur main d’œuvre. En effet, les amateurs de canards économiseraient 240 heures de désherbage par an pour chaque hectare de plantation. Mieux, les rendements seraient généralement améliorés de 20 %.

    Contre toute attente, ces canards ont fini par survoler les océans et la technique est désormais aussi utilisée au pays du Coq, en Camargue. Chaque année, au printemps, Bernard Poujol confie ses 25 hectares de rizière à 1200 palmipèdes. Un beau geste puisque l’agriculteur a choisi d’employer des mulards, une espèce de canettes qui « n'ont pas d'utilité commerciale, puisque le foie gras est uniquement fait avec les canards mâles, et donc elles sont détruites à la naissance ».

    Ce n’est pas la première fois qu’un agriculteur se tourne vers des animaux pour sauver la biodiversité. On appelle cela le « biocontrôle », c’est à dire selon le Code Rural, l’utilisation d’ « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures » en lieu et place des produits phytosanitaires qui altèrent la biodiversité.

    Le biocontrôle peut sélectionner une espèce auxiliaire (insectes, animaux de ferme) qui va chasser un insecte nuisible ou une plante invasive. L’exemple le plus fréquemment cité est sans doute le recours aux coccinelles utilisées pour supprimer les pucerons. Mais de nombreuses autres alliances animaux-humains ont lieu tous les jours.

    Les volailles volent à notre secours

    En Chine, on fait appel aux poulets pour attaquer les criquets qui dévastent les champs par nuées. En 2018, les autorités chinoises ont ainsi distribué 2200 volatiles aux exploitants pour défendre leurs exploitations de coton. Quand on sait qu’un « seul poulet peut attraper jusqu’à 600 criquets et couvrir un demi-hectare par jour », comme l’expliquait un éleveur à Bloomberg, on se demanderait presque pourquoi pratiquer encore des épandages nauséabonds...

    Les viticulteurs aussi regardent avec intérêt les oiseaux. Avec la hausse des températures, des insectes comme la cochenille ou la noctuelle (un lépidoptère) pullulent et dévorent les plantes potagères. Pour les contrer, de plus en plus de vignerons installent des nichoirs qui sont rapidement adoptés par des mésanges ou des rouge-queue de passage et parfois même, des chauve-souris. Ainsi logés, les oiseaux se feront un plaisir de chasser les parasites, avalant chenilles, larves et pucerons. Un gueuleton qui épargne le vin.

    Une solution qui fait le buzzzz

    Plus d'ailes, moins de plumes. A Nice des scientifiques élèvent des insectes spécialement choisis parce qu’ils vont éradiquer d’autres ravageurs. Dites bonjour au trichogramme, une micro-guêpe qui a la spécificité de pondre ses œufs… dans les larves d’un papillon bien connu pour dévorer les champs de maïs – le pyrale.

    Un clou chassant l’autre, la micro-guêpe remplace le parasite et a déjà sauvé 150 000 hectares de maïs en France. Au point que les entomologistes élèvent un autre trichogramme qui pourrait cette fois être implanté dans les vergers. Là où sévit le carpocapse, un papillon nocturne dévorant pommes et poires.

    Mais les animaux ne servent pas que de prédateurs. Une expérience du CNRS menée en France sur 294 parcelles de colza entre 2011 et 2016 avait constaté que les champs où aucun pesticide ne dérangeait les abeilles avaient des rendements supérieurs que ceux utilisant des pesticides et fongicides. Une différence qui pouvait atteindre + 40% et s'accompagner d'une diminution des coûts de production. Total, un gain de 119€ par hectare en faveur de l'agriculteur faisant confiance aux abeilles.

    Si après ça, certains préfèrent se débarasser des bestioles qui vrombissent, caquettent ou piaillent dans leur champs, c'est qu'ils ont raté leur véritable vocation : chimiste, et non agriculteur.

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