

Et si les cargos remplaçaient les moteurs par des voiles géantes ?
Face à l’urgence de décarboner le transport maritime, la startup française Ayro construit des grandes voiles rigides. Les gros navires pourraient ainsi enfin lever la pédale de gaz et profiter d’un moyen de locomotion renouvelable et gratuit : le vent !
2022 M06 29
Le transport maritime est responsable de 2,89% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, selon une étude de l’Organisation Maritime Mondiale. Cette agence, appartenant à l’ONU, a fait le vœu de réduire au moins de moitié ces émissions d’ici 2050. Sachant que le volume de fret international sera multiplié par 4 à cette échéance-là, d’après les projections de l’OCDE, pour insuffler plus d'écologie dans le fret maritime, certains misent justement... sur le vent !
Réinventer la voile
Une petite révolution agita le monde de la voile en 2010 : le trimaran USA 17 remporta la 33e Coupe de l’America grâce à une voile rigide de 72 mètres – presque la taille d’une aile d'Airbus A380. Le cabinet d’architecture Van Peteghem Lauriot-Prévost, responsable de cette prouesse technique, crée alors la startup Ayro pour appliquer leur innovation au transport maritime. Une startup soutenue par la Bpifrance, la banque public d’investissement qui promeut les entrepreneurs et les projets innovants qui portent la marque d’une société qui évolue.

Après un premier prototype de 21 mètres carrés en 2016, l’entreprise a dévoilé en 2021 l’OceanWings 363 : une voile de 363 mètres carrés. L’assemblage est si rigide que ses concepteurs ne parlent plus de voile mais d'une « aile ». Celle-ci mesure 11 mètres de large et 33 mètres de haut. Un gigantisme qui a toutefois quelques limites : les ingénieurs d’Ayro se sont rendus compte qu’au-delà de 50 mètres de haut, la voile rigide perdait en efficacité.
10 à 45% de fuel en moins
L’aile est capable de pivoter à 360° pour une propulsion optimale, et son aileron cambrable assure une meilleure prise au vent. Bien que dure, l’OceanWings peut être ferlée (c’est-à-dire repliée) afin d’opposer le moins de résistance au vent en cas de besoin. Si sa forme rectangulaire peut surprendre, elle serait, selon Ayro, deux fois plus performante qu’une voile traditionnelle et réduirait la consommation de fuel des cargos de 10 à 45%. Un progrès important, mais qui ne garantit pas une propulsion 100% verte, admet dans French Lab, Romain Grandsart, directeur business development de l’entreprise :
« Certes, cela ne répondra pas à tous les enjeux de la pollution de la marine marchande mais, je l’espère, cela nous permettra de mettre notre pierre à l’édifice du défi de la décarbonation. L’aspect économique n’est également pas négligeable puisqu’installer ce type d’aile sur un navire permet de faire des économies en termes de carburant. »
Actuellement, Ayro travaille à adapter son aile rigide aux porte-conteneurs. Hé oui, où la placer parmi tous ces conteneurs ? Une usine à Caen vient d’ouvrir en janvier dernier pour produire les OceanWings. Les 4 premières équiperont le Canopée, un navire qui transportera les composants des lanceurs d’Ariane 6 depuis l’Europe jusqu’à Kourou et dont la mise à flot est prévue pour la fin de l’année 2022. Deux autres seront installées sur le catamaran de sauvetage L'Avenir, capable d'accueillir à son bord 372 rescapés, et qui prendra le large en 2024.
Crédit photo : VPLP - Ayro