2022 M02 7
Si l'on vous dit qu’il existe un endroit entièrement consacré aux règles, où on est libre de parler de menstruations sans aucune gêne, d’échanger sur ses expériences personnelles tout en trouvant les produits qui permettent de traverser ses cycles en toute sérénité, vous y croyez ? Et bien, il existe bel et bien, et il s’appelle Rañute.
Cette initiative, on la doit à Éléonore Arnaud, une entrepreneuse franco-suisse. Après avoir ouvert sa première boutique à Renens en Suisse, en décembre 2020, elle s’installe un an plus tard à Toulouse. C’est le premier magasin menstruel français. « C’est une ville qui nous paraissait pertinente pour commencer. Elle est bienveillante et dynamique » précise-t-elle.
Si elle a choisi le boulevard Armand Duportal dans le quartier étudiant, ce n’est pas pour rien. « Il y a un aspect militant très actif dans les universités. La réception est très bonne ». Sans compter que Rañute propose des réductions étudiantes pour rendre ses produits plus accessibles.
La boutique de Toulouse, ouverte en novembre 2021.
Briser les tabous sur les règles
C’est après avoir parcouru près de dix kilomètres pour trouver une culotte menstruelle, « l’unique modèle au fin fond d’une épicerie bio », que la fondatrice a eu l’idée de ce lieu entièrement dédié aux règles. « Il n’y avait aucun endroit où on pouvait trouver ce genre de produits. C’est fou car ça concerne quand même la moitié de la population mondiale » s’étonne Éléonore Arnaud.
Elle se bat au quotidien pour que l’achat des protections hygiéniques soit quelque chose « de banal ». « On veut sortir de cette gêne quand on achète nos serviettes et qu’on se sent obligées d’ajouter des chewing-gums en caisse pour faire comme si on venait pour tout autre chose » nous raconte-t-elle. Une situation qui vous rappelle sans doute quelques souvenirs, non ?
La boutique de Renens en Suisse, ouverte en décembre 2020.
« Le futur sera féministe ou ne sera pas »
Derrière Rañute, il y a cette volonté de créer un espace de confiance où on peut parler des règles et de tout ce qui les entoure sans aucun tabou. « Il n’y a rien de bizarre, que ce soit le flux ou leur couleur » nous explique la fondatrice qui veut montrer « qu’il y a une vraie normalité dans tout ce qu’on peut traverser » pendant nos cycles.
Dans cette enseigne engagée, on prend le temps d’informer et de partager avec les clientes. Elles sont invitées à poser toutes leurs questions, pour connaître les produits qui répondront le mieux à leurs besoins et leurs envies. « On n’a jamais vraiment eu de conseils pour ça » ajoute Éléonore Arnaud, « comme si on était nées en sachant directement ce qui nous correspond ».
Cet accompagnement passe aussi par l’organisation d’ateliers pédagogiques autour des produits, comme la cup, et de sensibilisation sur des sujets comme la ménopause ou l’endométriose. La fondatrice s’associe alors avec des professionnel.l.es de la santé pour animer ces échanges qui peuvent dépasser son expertise. « On propose des solutions pratiques pour les règles, mais en aucun cas je ne vais conseiller médicalement » précise-t-elle.
Derrière ça, l’objectif est d’apprendre à se connaître et à connaître son corps, pour vivre ses règles de la meilleure façon possible. « On veut rendre les personnes autonomes et indépendantes dans leurs menstruations ».
Des protections réutilisables, un combat écologique
Culottes périodiques, serviettes lavables, coupes menstruelles… Rañute ne propose que des produits réutilisables, respectueux de l’environnement mais aussi de la santé des femmes. « C’est un lieu hautement féministe et écologique. Quand on entre dans la boutique, c’est une sorte d’acte militant » défend Éléonore Arnaud.
Il y a un vrai enjeu écologique qui entoure les menstruations. En moyenne, les femmes utilisent entre 10.000 et 15.000 protections périodiques jetables au cours de leur vie. C’est plus de 45 milliards de serviettes et tampons qui sont jetés dans le monde chaque année, selon Planetoscope. « Je veux casser cette habitude de jeter comme si c’était normal. il n’y a rien de normal là-dedans ».
La fondatrice franco-suisse choisit avec soin les marques et les produits qu’elle propose en boutique et sur le site. La plupart des culottes et des serviettes ont la certification GOTS ou OEKO-TEX. Et à une exception près, elle ne propose que des articles fabriqués en Europe. « Je ne collabore pas avec les marques qui fabriquent en Chine » précise-t-elle.
« Quand on entre dans la boutique, c’est une sorte d’acte militant. »
Des protections hygiéniques pour tous.te.s
Adaptés à tous les âges et tous les corps, les produits de Rañute se veulent accessibles à toutes les personnes menstruées. Éléonore Arnaud prévoit aussi de mettre en place une semaine pour la diversité des genres, dédiée aux personnes trans et non-binaires. « Il n’y a pas de boutique pour ces personnes aujourd’hui. Là, il y aurait des produits et des personnes présentes qui leur seraient dédiés », nous explique-t-elle.
En parallèle de cette démarche inclusive, elle s’engage contre la précarité menstruelle, une situation qui touche près de 2 millions de femmes en France. En Suisse, sa boutique propose des « culottes suspendues » qui sont données à des personnes en situation précaire, grâce aux dons d'autres clientes. Une initiative qu’elle veut également développer dans sa boutique toulousaine.
Pour la suite, Éléonore Arnaud ne manque pas d’idées. En parallèle de ses projets d’ateliers, elle imagine d’autres boutiques en France pour rendre ces alternatives accessibles au plus grand nombre. Et en attendant d’en voir une ouvrir ses portes près de chez vous, on vous laisse découvrir cette enseigne en ligne.