Des pavés en coquillages recyclés pour lutter contre les inondations

Les meilleures idées peuvent germer lors d’une simple discussion ! Il y a 10 ans Mohamed Boutouil discute avec des mareyeurs normands lassés de devoir payer pour se débarrasser des coquilles vides en déchetterie. Une idée géniale va alors traverser l’esprit du chercheur de l’ESITC à Caen (Calvados) : utiliser ces millions de tonnes de déchets pour concevoir des éco-pavés drainant qui évitent les inondations. Une innovation qui prend tout son sens en Normandie où le littoral est très important.
  • « On profite de la ressource naturelle régionale, les coquillages, notamment coquilles Saint-Jacques et pétoncles, pour fabriquer ces pavés qui, en premier lieu, laissent passer l’eau et permettent donc de rendre les revêtements de rues ou de parkings perméables » explique Mohammed Boutouil, directeur de recherche en charge du projet éco-pavé à l’ESITC (l'École Supérieure d'Ingénieurs des Travaux de la Construction). Une innovation efficace pour éviter les inondations qui pourraient devenir de plus en plus fréquentes à cause du dérèglement climatique. Des pavés (presque) comme tous les autres, mais lorsqu’on y regarde de plus près, on observe de petits morceaux colorés faits de coquillages recyclés et broyés. Il y a 10 ans, le parking de l’école d’ingénieurs de Normandie a servi de test et démontré qu’en quelques secondes, ils pouvaient absorber jusqu’à 500 litres par minute et par mètre carré !

    Permettre à l'eau de s'infiltrer 

    En 2015, l’ESITC dépose un brevet et se positionne alors comme un acteur de l’économie circulaire en remplaçant les graviers (ressource épuisable) par des déchets coquilliers (en abondance) pour son innovation. Le secret du pavé réside dans sa composition : les granulats sont en partie remplacés par 30% de coquilles Saint-Jacques broyées, et non de moules ou d’huîtres, moins solides. Le béton ainsi constitué est résistant, alvéolé, poreux, et parfaitement adapté à un usage urbain. « Quand on regarde les sols autour de nous en termes d’aménagement urbain, la majorité est imperméable. Là, l’idée c’est de les dés-imperméabiliser, notre solution permet à l’eau de s’infiltrer là où elle tombe », ajoute Mohamed Boutouil. L’innovation ne s’arrête pas là. Les ingénieurs cherchent dans un deuxième temps à stocker cette eau de pluie, afin de la restituer et de créer des îlots de fraîcheur dans les centres-villes touchés par les fortes chaleurs en été.

    « Aujourd’hui, les pavés sont déjà présents dans plusieurs villes de France. L'idée maintenant, c'est de savoir si le pavé drainant qui infiltre l'eau dans le sol, peut aussi la restituer, sous forme de vapeur ou de gouttelettes, pour rafraîchir la température de surface, explique Mohamed Boutouil. »

    Lutter contre les épisodes de chaleur 

    Paris est la ville française la plus touchée par le phénomène d’Ilots de Chaleur Urbain (ICU). Un phénomène accentué en période caniculaire par la création d’une bulle de chaleur au-dessus de la ville. Ce qui n’est pas le cas dans les zones rurales où les végétaux et les sols perméables absorbent la chaleur de la journée au lieu de la stocker comme en zone urbaine. Les différences de température entre ville et campagne peuvent alors atteindre jusqu’à 10°C. Des études sont menées depuis 2 ans, en Normandie et en Ile de France, pour étudier et optimiser ce phénomène d’îlots de fraîcheur. 

    Le projet interrégional « Fresh-écopavers » de lutte contre le réchauffement climatique en milieu urbain se déroule jusqu'en fin d’année 2022. Pour info, d’autres initiatives fleurissent en France pour lutter contre les épisodes de chaleur parfois insoutenables l’été. À Strasbourg et à Bordeaux, par exemple, les mairies prévoient d’installer des îlots végétaux ou micro-forêts urbaines constitués d’espèces végétales locales résistantes à la chaleur pour créer des oasis de fraîcheur. 

    En 2019 l'éco-pavé a reçu la récompense « Prix coup de cœur du grand jury » de l’opération Fimbacte.  

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