

En Inde, cette ONG crée des aires de jeux avec des vieux pneus
En Inde, une jeune architecte a fondé une ONG dont le concept est purement génial : elle crée des aires de jeux pour les enfants dont toutes les attractions sont composées de vieux pneus.
2021 M06 28
Sur le papier, les déchets de pneumatiques ne sont pas classés comme dangereux. Mais ils constituent quand même un danger pour l'environnement en cas d'incendie, puisqu’ils génèrent alors des émissions de gaz toxiques. Ils représentent également un problème majeur de santé publique : lorsqu’ils sont abandonnés dans des dépôts sauvages, ils deviennent alors des refuges très prisés du moustique, qui est l’animal le plus meurtrier au monde. Près de 2 millions de décès lui sont imputés chaque année, car il propage des maladies mortelles comme le chikungunya, la dengue et bien sûr le paludisme.
Moustiques + vieux pneus = danger
L’Inde, le deuxième pays le plus peuplé du globe avec près d’1,4 milliard d’habitants, fait face à une équation insoluble. Le moustique est un véritable fléau, qui pourrit la vie de tous pendant la mousson et cause des dizaines de milliers de morts chaque année. Dans le même temps, le marché de l’automobile est exponentiel, avec comme corollaire l'inévitable gestion des déchets de pneumatiques. Dans ce pays grand comme l’Europe, 100 millions de pneus sont jetés chaque année, le plus souvent de manière totalement sauvage. Un problème qui interpelle Pooja Rai, une jeune étudiante en architecture de 23 ans.

En 2014, elle choisit de consacrer son mémoire de fin d’étude à un sujet que nombre de ses professeurs jugent ubuesque et dénué de sens : la conception d’aires de jeu pour les enfants à base de vieux pneus. Pour donner du sens à son projet, elle n’hésite pas à bâtir un terrain de jeu « 100 % pneus », à côté de son campus, que les enfants du quartier prennent aussitôt d’assaut.
Elle quitte son job pour fonder son ONG
Pooja Rai décroche son diplôme, un premier job mais son projet de fin d’études est toujours dans un coin de sa tête. Elle plaque tout en 2017 pour créer son ONG, Anthill Creations, dédiée à son improbable projet. « Les terrains de jeux ne devraient pas être un luxe. C’est quelque chose auquel chaque enfant devrait avoir accès gratuitement, assène-t-elle. Quand j’ai crée mon ONG, personne n’y croyait mais j’ai eu quelques articles dans des journaux locaux et tout est parti en trombe. »

Quatre ans et des dizaines de sponsors et donateurs plus tard, Pooja Rai mesure le chemin accompli. « Nous avons construit plus de 300 aires de jeu à base de vieux pneus dans des quartiers défavorisés de 18 états indiens », se félicite-t-elle.
« Le but n’est pas uniquement de divertir les enfants, mais également de les sensibiliser au recyclage des déchets et de les inciter à jouer en plein-air. »
Comme dans tous les terrains de jeux, il y a des toboggans et des balançoires mais Pooja Rai, architecte dans l’âme, a ajouté aux siens des sacs de boxe, des murs d’escalade, des poulpes tournants, des éléphants géants et des chevaux à bascule qui sont tous fabriqués à partir de pneus. « Nous parlons avec les enfants pour leur demander ce qu'ils veulent et nous créons les attractions en conséquence », raconte-t-elle.
Les vieux pneus constituent un matériau de choix car ils sont robustes et sans aucune anfractuosité qui pourrait blesser les enfants. Et bien sûr, ils sont gratuits ! Avant d’être transformés en éléments ludiques, ils sont aussi percés de micro-trous qui empêchent toute stagnation des eaux et donc la prolifération des moustiques.
L'équation insoluble devenue gagnante
« Le but n’est pas uniquement de divertir les enfants, mais également de les sensibiliser au recyclage des déchets et de les inciter à jouer en plein-air, conclut la jeune trentenaire. On parle beaucoup de l’obésité aux États-Unis mais en Inde, de nombreuses études alertent sur une dégradation alarmante de la condition physique des enfants qui ne sont pas assez actifs. Anti-pollution, anti-moustique et anti-sédentarité : mes aires de jeu faisaient rigoler tout le monde au début, mais je crois finalement qu'elles ne sont pas si mal que ça."