

Connaissez-vous la Greenfib, cette alternative recyclable au bon vieux plastique ?
Montures de lunettes, gourdes, chargeurs de téléphone, contenants alimentaires… Autant d’objets du quotidien fabriqués en plastique pétrosourcé et qui ont maintenant une alternative durable et écologique : la Greenfib. Rencontre avec Cyr Dioré, l’un des deux visages derrière ce matériau innovant.
2022 M03 11
Avec de l’huile de ricin, des roseaux et des coquilles d’huîtres, il est aujourd’hui possible de fabriquer des montures de lunettes. Si, si, on vous jure. Tout cela grâce à Greenfib, un matériau durable et 100% biosourcé. Une alternative au plastique pétrosourcé qui a été imaginée par l’opticien et lunetier Luc Menetrey, puis soutenue par l’entrepreneur Cyr Dioré.
Ce nouveau polymère a de nombreux avantages : il est résistant à la torsion, à la traction et aux impacts, mais aussi inoxydable, ininflammable, hypoallergénique et résistant aux UV. Sans compter qu’il est recyclable trois fois. Il peut donc être utilisé dans la fabrication de nombreux objets tout en répondant à la problématique écologique de l’utilisation du plastique.
Pour un monde sans plastique
Alors que la 5e limite planétaire, celle de la pollution chimique, a été dépassée en ce début d’année, il est urgent de trouver des alternatives au plastique pétrosourcé qui est devenu le troisième matériau le plus produit au monde. Sa fabrication devrait même encore tripler d’ici 2050, et ce même si ses effets désastreux sur l’environnement ne sont plus à prouver.
« Chaque seconde, ce sont 10 tonnes de plastique qui sont produites dans le monde. Chaque minute, l’équivalent d’un semi-remorque de déchets est déversé dans la mer. »
C’est à partir de ce constat alarmant que la prise de conscience de Luc Menetrey a eu lieu, lui qui travaillait au quotidien sur des produits fabriqués en plastique. S’il s’est d’abord investi dans une association qui donnait une seconde vie aux paires de lunettes en Afrique, il a vite réalisé que « cela déplaçait juste le déchet d’un continent à un autre, que ça ne réglait pas le problème » nous explique son associé Cyr Dioré.
En 2008, l’opticien se rapproche du laboratoire Valagro, spécialisé dans les matériaux biosourcés, pour mettre au point son alternative naturelle et durable. Breveté en 2011, la Greenfib n’attend plus qu’une chose : investir les industries pour remplacer les matériaux polluants et permettre la fabrication d’objets plus respectueux de la planète et de ses ressources.
C’est pour ça que son ami de longue date, Cyr Dioré, a rejoint l’aventure en 2018, avec son expertise industrielle. « Luc a inventé la matière et moi, j’ai inventé la manière » précise l’entrepreneur. « L’objectif, c’est de transformer les objets du quotidien et ce jusque dans leurs usages ». Basée sur le technopôle du Futuroscope à Poitiers, leur startup prône une démarche collaborative dans le respect de l’humain et de la nature.

La Greenfib se trouve sous forme de granulés, de filaments pour l’impression 3D et de plaques.
La Greenfib se compose de matières 100% naturelles qui ne sont pas en compétition avec l’alimentation humaine ou animale. Son ingrédient principal ? L’huile de ricin. Cette plante cultivée en Inde, pousse sur des sols semi arides et non déforestés, et se contente simplement de l’eau de la mousson pour se développer.
Du ricin, sont récupérées les graines qui vont être transformées en huile avant d’arriver en France. « La base qu’on utilise c’est le Rilsan, qui est fait à partir de l’huile de ricin. Normalement, c’est mélangé à des matériaux pétrosourcés. Mais avec Greenfib, on a pris cette base très saine pour y ajouter uniquement du biosourcé » nous explique Cyr Dioré.
Deux autres ingrédients 100% français y sont alors associés : une poudre minérale, soit du talc extrait en Ariège, soit de la poudre de coquilles d'huîtres issues des déchets des ostréiculteurs bretons, et de la farine végétale, du bois des forêts bretonnes gérées durablement, ou des roseaux poussant à Vienne et en Bretagne.
« Chaque époque a eu ses propres matières nobles. La matière de demain, elle sera noble car elle sera écologique. »

Des objets du quotidien plus respectueux de la planète
La startup s’est associée aux opticiens Écouter Voir qui distribuent depuis septembre 2021 les montures de la marque nantaise OXO. 40.000 paires ont été fabriquées dans ce matériau innovant pour être vendues dans les différents magasins de l’enseigne. Et comme la durabilité est un élément central de la démarche de Greenfib, 760 points de collectes ont été mis en place avec eux pour recycler les petits objets.
« La matière qui pollue le moins, c’est celle qu’on ne produit pas, et ensuite c’est celle qui dure le plus longtemps possible. »
Du bâtiment à l’agroalimentaire en passant par la cosmétique et la grande distribution, les deux entrepreneurs accompagnent de nombreux acteurs à réfléchir sur leurs enjeux écologiques et les usages autour de leurs produits. La Greenfib est aujourd’hui utilisé dans la fabrication de contenants alimentaires, de brosses à dents, de gourdes ou encore de filaments pour l'impression 3D. Cet hiver, ce sont même les décorations de Noël de Bordeaux et de Besançon qui étaient fabriquées dans ce polymère écologique.

Repenser le prix en fonction de la valeur
Et si son prix est 5 à 10 fois plus cher que le plastique pétrosourcé habituellement utilisé, Cyr Dioré n’est pas inquiet pour le développement du Greenfib. « Aujourd’hui, pour définir le prix d’un produit, on prend tout ce qu’il y a en amont de l’acte de l’achat : les ingrédients, la transformation, la distribution… » nous explique-t-il. « Ma conviction, c’est que la définition du prix va changer pour tenir aussi compte de l’aval ».
C’est à ce niveau là que Greenfib se positionne : ils créent de la valeur autour des produits en considérant leurs usages et leur recyclage. Un atout qui rend leur matière plus compétitive en définitive sur le marché. Et face à l’urgence écologique, il nous faut repenser la valeur de nos objets du quotidien dans leur globalité : de leur fabrication jusqu’à leur fin de vie.
Un argument qui semble en avoir convaincu plus d’un puisque les projets se multiplient pour la startup. D’ici quelques semaines, une grande marque française de stylos lancera sa première référence en Greenfib. L’été prochain, on trouvera même une guitare moulée dans ce polymère.