La sobriété : certains en parlent d’autres la pratiquent depuis longtemps

C’est le mot de la rentrée. Tout le monde parle de sobriété énergétique pourtant certains la pratiquent déjà depuis des années. Petit tour d’horizon des villes et des collectivités qui ont anticipé les mesures préconisées par le Conseil de défense énergétique de septembre.
  • Au temps de « la fin de l’abondance » et depuis le rapport du Club de Rome de 1972 qui exposait « les limites à la croissance », de nombreux travaux ont été dédiés à la sobriété. Il s’exprime dans le discours écologiste militant, avec par exemple l’ouvrage emblématique de Pierre Rabhi (Vers la sobriété heureuse, Actes Sud, 2010), une approche d’ordre spirituel, car elle cherche à retrouver un sens dans notre rapport à la consommation. Yves Cochet, lui, propose une réponse plus politique (Pétrole apocalypse, Fayard, 2005). Quant à la réflexion des ingénieurs de Négawatt autour du triptyque « sobriété, efficacité, renouvelable », elle fait référence depuis la création de l’association en 2001.

    Mais avec l'augmentation des prix de l'énergie les choses s’accélèrent pour les collectivités locales. D’ailleurs, l'Association des petites villes de France (APVF) faisait état en juillet d'un bond « de 50% des dépenses énergétiques ». Résultat : pour compenser, en partie, ces coûts, le parlement a voté début août, dans le cadre de la loi de finances rectificative, une enveloppe supplémentaire de 750 millions d'euros de soutien aux collectivités. Puis en septembre, le Conseil de défense énergétique a demandé des efforts à tous : particuliers, entreprises et collectivités. Mais il existe de bons élèves qui sont déjà engagés dans des démarches de transition où la sobriété joue un rôle important.

    En référence à la définition qu’en fait Négawatt il existe plusieurs sobriétés donc plusieurs applications à nos modes de vie aussi. La sobriété dimensionnelle vise à adapter les équipements et infrastructures aux besoins réels des usagers. La sobriété structurelle rationalise la consommation d’espace. La sobriété d’usage veille à une juste utilisation des équipements, tandis que la sobriété conviviale tend à mutualiser les équipements et leur utilisation. Pour les collectivités, la sobriété énergétique est souvent le point d’entrée d’une démarche plus large et l’éclairage public, la baisse de la température des bâtiments et la fermeture des piscines peuvent en être les premières applications.

    - À Bègles (27 000 habitants en Gironde), une action de sensibilisation a été engagée à partir de 2005 avec des actions concrètes sur l’éclairage public et l’installation de variateurs de tension et d’horloges astronomiques, la réduction des illuminations de Noël et le renouvellement progressif des éléments pour un matériel à faible consommation. Et plus récemment le renouvellement de la flotte de véhicules de la mairie pour des véhicules propres et électriques (voitures, scooters, vélos).

    - Cela fait dix ans que la question énergie-climat est au cœur des réflexions de la communauté de communes d’Argentan Intercom (34 000 habitants dans l’Orne). Première mesure mise en place : une extinction nocturne. La quasi-totalité du pôle urbain est plongée dans le noir de 23 h 30 à 5 h 30. « Cela nous a permis d’économiser 100 000  euros par an. Et comme dans le même temps un quart de notre parc de luminaires est passé au LED, nous avons finalement divisé nos factures d’éclairage par deux », indique Josselin Sourisseau Pierre, directeur du pôle Aménagement et cadre de vie d’Argentan Intercom et de la ville d’Argentan. Plus remarquable encore, la ville s’est aussi dotée d’un service « Urgence climatique et développement durable » qui compte cinq collaborateurs.

    - L’Euro métropole de Strasbourg (500 000 habitants dans le Bas-Rhin), a inscrit la politique d’habitat participatif dans son programme dès 2009. Aujourd’hui cela représente 22 projets, soit 240 logements. D’ailleurs, l’expérience a contribué à l’inscription dans le cadre de la loi Alur de 2014 d’un cadre juridique pour l’habitat participatif. Dans la pratique il s’agit d’une démarche permettant à un groupe de citoyens de s’associer pour concevoir ensemble un projet d’habitat, associés ou non à un opérateur immobilier pour mettre en place, par exemple, du partage de buanderies, des ateliers de bricolage, des salles de musique, des potagers ou des cuisines communes dimensionnées au plus juste.

    - Grenoble (160 649 habitants en Isère) est une des quelques villes françaises labellisées au plus haut niveau du label Territoire Engagé Transition Écologique Climat Air Énergie (CAE) de l'ADEME, pour réduire les consommations en énergie de ses bâtiments publiques. Résultat : une baisse de 5 % des dépenses. Cette action se poursuit depuis avec la création d’un poste de chef de projet sobriété énergétique à la ville.

    - Du côté de Lorient Agglomération (209 360 habitants dans le Morbihan), la sobriété foncière fixe un principe de diminution de la consommation d’espace et de limite de l’étalement urbain, qui a été traduit dans 12 plans locaux d’urbanisme (PLU) communaux révisés.

    Faire payer plus ceux qui consomment plus !

    Et pour les plus récalcitrants la solution c’est peut-être la mise en place de mesures coercitives. Dans son rapport consacré à la sobriété, le Labo de l’ESS a dressé un inventaire des mesures permettant une meilleure répartition des ressources naturelles et énergétiques. Et pourquoi pas une tarification progressive de l’énergie ? Avec plusieurs paliers et plusieurs tarifs. Premier palier, de base, pour les besoins essentiels mais à un tarif inférieur à celui en vigueur. Au-delà d’un certain seuil, équivalent à une consommation de confort, le prix de l’énergie augmenterait, pour atteindre un tarif très élevé en cas de consommation superflue.

    Ce principe a déjà été mis en œuvre au Japon, où le prix de l’électricité augmente de 35 % lorsque la consommation mensuelle excède 300 kilowattheures (kWh). En Californie il fonctionne également plutôt bien. La consommation énergétique a globalement baissé depuis sa mise en place et a permis de réduire la précarité énergétique : la facture des plus modestes a baissé de 17 %, tandis que celle des gros consommateurs a augmenté de 15 %.

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