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Il y a de moins en moins de marmottes dans nos massifs montagneux. Et la chasse n’est pas la seule responsable (1000 animaux tués en 2021). En effet, plusieurs études révèlent que le réchauffement climatique est (une fois encore) largement en cause. Notamment celle menée depuis 2018 par Aurélie Cohas, chercheuse en biométrie et biologie évolutive, dans les Alpes. Ses résultats sont sans appel : si les températures continuent à monter, la marmotte pourrait disparaître. L’équation est simple : moins de neige = moins d’isolant thermique = une mortalité accrue des petits à cause d’une perte accélérée de leurs réserves de graisse. Ils peuvent alors mourir de froid pendant la période d’hibernation. D’ailleurs, les adultes sont aussi touchés par ce phénomène.
Les femelles sortent amaigries d’hibernation. Résultat : leurs portées sont moins importantes, en moyenne un petit de moins par rapport aux années 90. Cette baisse a pour conséquence immédiate une réduction du nombre d’auxiliaires. Ces individus adolescents, qui jouent d’ordinaire le rôle de baby-sitter, n’ont donc plus de raison de rester dans le nid et quittent leur famille, diminuant d’autant les chances de survivre à l’hiver des marmottons nés récemment. Cette boucle de rétroaction entre contexte écologique et social peut avoir un fort impact sur le système social si particulier à cette espèce. Cette étude montre également qu’au-delà des conséquences désormais reconnues sur la survie et la reproduction des animaux, le changement climatiques aurait également des répercussions importantes sur les organisations sociales et sur la propension des individus à coopérer.
Aux États-Unis, les enseignements d’une étude sur des jeunes marmottes des Rocheuses du Colorado n’ont pas les mêmes résultats. Les scientifiques y ont étudié le développement sur plusieurs années de près de 1500 individus. Leur taux de survie en hiver a également baissé, probablement parce que comme leurs cousines européennes elles n’avaient pas pu stocker assez de graisse en été. Des étés qui se sont allongés d’une cinquantaine de jours dans la région. Pourtant, le taux de survie du groupe étudié n’a pas baissé. En effet, la mortalité a augmenté au cours de la première année, mais a diminué durant la deuxième. Chez les adultes, aucune différence n’a été notée. La population globale est restée presque stable. Les animaux se sont donc adaptés aux nouvelles conditions climatiques mais... sur une très longue période. Ce qui pourrait également être le cas pour la marmotte des Alpes.
En Europe, le climat des Alpes évolue très rapidement depuis la fin du XIXème siècle : augmentation de la température de plus 2°C, diminution des précipitations en été et augmentation au printemps et en hiver. La marmotte alpine, comme toutes les autres espèces, subit ces changements. Elle hiberne de mi-octobre à début d’avril, puis passe la saison active à accumuler suffisamment de graisse pour survivre à sa pause hivernale. Chaque groupe familial occupe un territoire variant entre 0,5 et plusieurs hectares, que les marmottes délimitent au moyen de leurs glandes frontales. Elles doivent ingurgiter jusqu’à 400 grammes d’herbe par jour, soit environ 70 kilos de végétation consommés entre juillet et octobre. De la nourriture qu’elle ne trouve plus aussi facilement qu’avant sur leur territoire.
La marmotte n’est pas encore considérée comme une espèce en danger. Mais Aurélie Colas estime que son déclin est inexorable si rien n’est fait pour protéger la biodiversité. Reste à savoir combien d’années nous pourrons encore les admirer « emballer des tablettes de chocolat » dans nos montagnes.