Les Pays-Bas, premier pays à avoir légalisé le mariage gay, fête 20 ans d'unions pour tous

Alors que des militants de nombreux pays luttent pour faire reconnaître les mariages entre personnes de même sexe, quand ils ne se battent pas encore contre l’homophobie, les Pays-Bas ont montré la voie il y a vingt ans déjà. Et, miracle, le ciel ne s’est pas effondré. Bilan.

France, mariage pour tous, 18 mai 2013. Les souvenirs sont frais, les débats à l’Assemblée dans toutes les têtes, les embrassades encore marquées et les réunions des "anti" toujours vives. La loi est encore relativement récente, mais 40 000 couples homosexuels sont actuellement mariés dans notre pays. Beau rattrapage… Car lorsque le texte ouvrant le mariage aux personnes de même sexe dans l'Hexagone fut voté par les membres de l’Assemblée nationale, certains citoyens européens fêtaient déjà leurs douze ans d’union légale !

Aux Pays-Bas, premier pays du monde à sauter le pas dès le 1er avril 2001, la législation locale autorisant les couples de même sexe à se marier fête aujourd’hui ses vingt ans. De fait, celui qu’on appelait encore à l’époque le "mariage gay" est pour eux de l’histoire ancienne, avec un taux d’acceptation de la population avoisinant aujourd'hui les 90%, selon les derniers sondages. Un record mondial, là aussi. Même si à l’époque, les contestations s’étaient limitées à quelques pancartes hostiles brandies par des conservateurs sur le parvis du Parlement batave.

Les premiers couples à s’être passés la bague au doigt fêtent donc depuis quelques mois leurs noces de porcelaine. Et bien que la France fasse partie de la trentaine de nations à avoir, depuis, suivi le pionnier néerlandais sur les traces de l’égalité, il est toujours émouvant de revenir avec nostalgie vers ceux qui ont défriché l’Histoire.

Quatre couples entrés dans l’Histoire

Dolf Pasker et Gert Kasteel, deux sexagénaires aux crânes désormais dégarnis, forment sans doute le couple le plus connu de l’avancée des droits des personnes homosexuelles autour du globe. En 2001, les caméras du monde occidental étaient braquées sur eux et leurs chastes baisers après s’être dit "oui" dans une mairie trop éclairée. À trop observer les photos d’archives, on se croirait dans les années 80, petite moustache et chemise mal coupée en option. Ce jour-là, Dolf et Gert né furent pas les seuls à signer un contrat de mariage à Amsterdam. Frank Wittebrood et Peter Lemke, Helene Faasen et Anne-Marie Thus, Ton Jansen et Louis Rogmans, tels étaient les noms que l’histoire aura retenus pour avoir participé à ce progrès social si emblématique du 21ᵉ siècle.

Si Frank Wittebrood est décédé d’une crise cardiaque en 2011 (et que son mari ne souhaite plus médiatiser leur relation), les trois autres couples sont plus mariés que jamais. Ton Jansen, malgré ses 92 printemps et des soucis de santé survenus pendant la crise du Covid, cumule quelques records du monde : il est à la fois le plus vieux et le plus ancien marié gay de la planète.

Et si le couple lesbien de ce groupe de huit personnes mariées à minuit pile le 1er avril 2001 par le maire d’Amsterdam Job Cohen est plus discret, les deux visages les plus médiatiques de cette petite révolution ayant entraîné plus de 28 000 couples néerlandais devant les maires de villes et villages, continuent avec fierté d’assurer leur rôle de représentants d’une cause unique.

Eux qui n’étaient pas, selon leurs dires de l’époque, des "militants" avant la promulgation du mariage pour tous, en sont devenus ses plus fidèles ambassadeurs. "Nous sommes assez fiers d’avoir pu donner le coup d’envoi", racontaient-ils récemment à la presse. Les journalistes se sont ainsi succédé pour les interviewer dans leur maison de la petite ville de Weesp, dans la banlieue d’Amsterdam. Crise sanitaire oblige, les festivités prévues cette année pour célébrer l’événement qui a uni ces "premiers couples" ont été annulées aux Pays-Bas. Mais ce n’est que partie remise.

En Europe, la Pologne joue la provocation anti-LGBT

Le mariage entre personnes du même sexe est à ce jour légal dans vingt-huit pays, avec l’Europe de l’Ouest en fer de lance. En Asie, Taïwan est le seul "pays" à reconnaître les unions maritales entre personnes de même sexe, tandis que sur le continent africain, seule l’Afrique du Sud est entrée dans le club (en novembre 2006). Dans le reste du monde, le "mariage homosexuel" est légal aux États-Unis, au Canada, au Costa Rica, au Brésil, en Argentine, en Équateur, en Colombie et en Uruguay, dans la majorité des États mexicains, ainsi qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Cela n’empêche pas les oppositions religieuses ou morales de se montrer virulentes, y compris au sein de l’Union européenne, puisque les législateurs polonais multiplient par exemple les attaques contre un supposé "lobby" en décrétant des zones "sans LGBT+" dans certaines provinces. Au grand dam de l’Union Européenne, dont seize États-membres ont légalisé le mariage gay, et qui ne sait pas trop comment réagir à la provocation. Hors Union, la Suisse est en passe de devenir la dix-septième contrée européenne à approuver l’ouverture des mariages civils aux couples de même sexe.

Par ailleurs, sur les 28 000 couples de même sexe mariés aux Pays-Bas, 53% sont des femmes. "L’histoire du mariage est une histoire de changements et d’inclusion grandissante", avouent volontiers Dolf Pasker et Gert Kasteel, les mariés de l’an 1. Puis de conclure : "Le ciel ne s’est pas effondré quand le mariage a inclus les couples comme nous. Il y a assez d’unions pour tout le monde".

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