Capotier, un métier unique au service du plus vieux métier du monde

Jérôme Bénozillo affirme qu’il est le seul capotier de France. En tout bien, tout honneur, il fréquente les travailleur.euse.s du sexe de Lyon pour leur fournir des préservatifs et des produits d’hygiène depuis près de 20 ans.
  • Certain.e.s l’appellent par son prénom, Jérôme, d’autres, Le Capotier ! Le vendeur de capotes, quoi ! Tous les jours ou presque depuis bientôt deux décennies, il fait la tournée des camionnettes pour apporter aux travailleur.euse.s du sexe lyonnais.es tout le matériel d’hygiène dont iels ont besoin pour travailler en toute sécurité. « J’ai des tournées régulières comme un épicier de campagne. J’aime bien dire que je suis l’épicier des prostitué.e.s » confesse Jérôme Bénozillo Avec le temps, il a noué plus que des relations commerciales avec ses quelques 250 client.e.s officiel.le.s « J’ose dire que je suis fier de ce que j’ai fait. Je n'ai jamais payé l’ISF, je n’ai pas fait fortune sur le dos des filles, j’ai juste bien gagné ma vie. Je n’ai en pas profité parce que je suis juste tombé amoureux de ces filles. J’ai trouvé des filles extraordinaires avec des histoires de vie incroyables ». Mais s’il fait preuve de beaucoup d’attention, il est aussi très respectueux de la loi. Il ne prospecte pas ses client.e.s, iels viennent à lui. Sinon, il se rendrait coupable d’aide à la prostitution.

    Profession du père : capotier

    L’aventure a commencé en 2003. Consécutivement à une déconvenue entrepreneuriale, ce lyonnais a joué son va-tout en achetant 5000 préservatifs dans un salon professionnel avec l’intention de les revendre aux buralistes et marchands de journaux. Il n’en a pas vendu un seul ! « J’ai décidé de m’en débarrasser. Mais plutôt que de les distribuer aux passants, j’ai eu l’idée d’aller voir les travailleuses du sexe pour leur donner. A la deuxième tournée, les filles m’ont dit qu’elles les trouvaient bien et elles m’ont demandé si je ne pouvais pas leur en vendre ». Et là, Jérôme Bénozillo s'est dit pourquoi pas. Il venait de perdre son épouse et il devait s’occuper de ses trois enfants adolescents. Après une mini-étude de marché, il s'est lancé à fond dans ce nouveau métier qui lui permettait de travailler la nuit pour s’occuper de ses gamins -comme il dit- la journée. Le nom de capotier, c’est à son fils, collégien à l'époque, qu’il le doit. Il n’avait pas su quoi mettre d’autres dans la case « profession du père ».

    Sa petite entreprise ne connait pas la crise

    Et son business a fleuri rapidement. En bon entrepreneur, Jérôme Benozillo a su faire preuve de créativité. « En discutant avec les filles de leur boulot, j’ai eu l’idée de faire fabriquer un préservatif plus épais, plus costaud et plus lubrifié. Ça a fait un carton ! Après, j’ai eu l’idée de faire un préservatif parfumé. Le jour où j’ai sorti les boites avec 4 parfums, fraise, banane, vanille, menthe, alors là, pareil : un carton ! ». Délicate attention, non ? En rythme de croisière, le Capotier vend près d’1,2 million de préservatifs par an. Au fur et à mesure des années, il a étoffé son catalogue de produits avec du gel hydro-alcoolique, des rouleaux de draps médicaux jetables, du sopalin industriel ou encore des lingettes sans odeur « J'ai eu l’idée des lingettes sans parfum pour que ces messieurs ne se fassent pas gauler par leur femme » glisse-t-il malicieusement.

    Cherche repreneur hyper cool et un peu rigolo

    Mais après près de 20 ans de bons et loyaux services, à 67 ans, le Capotier songe à prendre une retraite bien méritée. « Pour me remplacer, idéalement, il faut 2 gars. Ce n’est pas beaucoup d’heures de travail mais les horaires sont spéciaux donc ils peuvent se partager le travail. Il faut qu’ils soient hyper cool, hyper à l’écoute, un peu rigolos tout en sachant garder une distance ». Traduction : la maison ne fait pas crédit sinon c'est de l’aide à la prostitution et c’est interdit ! Dernier conseil du cédant : il faut surtout résister à la tentation « parce qu’il y en a qui sont très jolies sur le lot » ! Il compte s’arrêter d’ici la fin de l’année et après il se mettra dans une ou deux associations qui s’occupent des prostituées, pour garder le lien. « J’appréhende la dernière tournée, je me suis attaché à ses filles…j’en ai 4 qui ont chialé quand elles ont appris que je partais » . Tout ça, c’est que de l’Amour, finalement…mais platonique !

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