2022 M11 3
Jeter des bébés macareux du haut d'une falaise, on espère bien que l'idée vous choque, mais pour les habitants des îles Vestmann, en Islande, c'est une coutume peu commune. Et inutile d'appeler votre association de protection des animaux préférée, en fait, on jette les poussins macareux dans le vide pour une simple et bonne raison.
Un oiseau marin en voie de disparition
Alors qu'une espèce d’oiseau sur huit est menacée d’extinction dans le monde, les 4300 habitants des îles Westman veulent préserver leur colonie de macareux. C'est la plus grande du monde, puisque environ 60 % des macareux de l’Atlantique se reproduisent en Islande. Cet oiseau, champion de natation, qu'on retrouve également en Bretagne, a été victime de chasse intensive durant le XXe siècle. Marées noires, surpêche, harcèlement causé par les hommes... les menaces sont nombreuses. D'ailleurs, la population bretonne de Macareux moine est passée de 7000 individus, dans les années 1950, à 130 couples en 2016.
La Ligue française pour la Protection des Oiseaux a été fondée aux débuts des années 1900, justement pour sauver la population de macareux des Sept-îles (au nord de la Bretagne). D'ailleurs, l'emblème de la LPO est... un Macareux ! Malheureusement, les campagnes de préservation n'ont pas suffi et en 2015, l’espèce a été inscrite sur la liste des espèces en danger d’extinction en Europe.
Les Islandais à la rescousse des poussins
Le Macareux moine, également appelé « perroquet de mer » ou « Calculot », est une espèce d'oiseaux marins pélagiques (c'est-à-dire de pleine mer). Pour se reproduire, il rejoint la terre ferme en grand nombre, entre avril et mai, et niche dans des falaises et des pentes enherbées. Chaque couple, formé à vie, ne pond qu'un œuf par an. Il est couvé durant 40 à 43 jours, puis le poussin est nourri par ses parents durant 6 semaines.
Après cette période, les parents muent, donc ne pêchent plus, et les jeunes Macareux Moine sont contraints au jeûne. Affamés, les petits sortent alors du nid pour leur première pêche. Pour ça, ils s'élancent du haut de la falaise la plus proche. Or, sur les îles Vestmann, les habitants des villes côtières voient souvent arriver dans leur rue des poussins égarés, perturbés par la pollution lumineuse. Seule solution pour les sauver ? Les attraper... et les jeter dans la mer.
Aujourd'hui, la première menace de ces drôles d'oiseaux au bec et aux pieds orange vif, est le réchauffement climatique. Selon Erpur Snær Hansen, principal auteur d’une étude publiée en mai dans la revue Global Change Biology :
« Les chances de survie des macareux moines sont essentiellement liées à la température de surface de l’eau, et cette corrélation est plus forte avec le changement climatique. »
Heureusement, en Islande, depuis la création en 2003 de la Puffling Patrol, le sauvetage des Macareux est devenu plus populaire que sa chasse ! En 2020, plus de 7500 petits macareux ont ainsi été sauvés par les habitants des îles Vestmann. Et c'est ainsi que se termine cette histoire vertigineuse, sur une bonne note.