Ecologie : et si on mettait des panneaux solaires dans l’espace ?

L'énergie propre de demain se trouve-t-elle dans l'espace ? Des scientifiques planchent depuis des années sur un projet fou : installer des panneaux solaires au plus près du soleil.
  • Ça pourrait être le début du scénario d'un film de science-fiction : "un groupe de scientifiques qui installent des panneaux solaires dans l'espace"… Le pitch est dingue et pourtant, c'est un vrai projet sur lequel travaillent plusieurs groupes de spécialistes. Produire notre énergie solaire au plus près de la source, c'est vraiment possible ? 

    Un projet fou pensé dans les années 60

    Le principe de satellites solaires orbitales a été pensé dans les années 1960 par l'Américain Peter Glaser. À cette époque, les scientifiques de la NASA cherchent des solutions à l’intermittence du soleil. Au Japon, le gouvernement lance en 2009 un appel à projet, en partenariat avec l'agence spatiale japonaise : la JAXA. L'objectif : réaliser une station solaire spatiale d'ici à 2030.

    Projet de centrale solaire orbitale NASA, 1976

     

    Une idée rapidement reprise par des scientifiques américains. Pour eux, l'idéal serait un générateur solaire qui s'étendrait sur 1 kilomètre ! Plutôt impressionnant, mais rien à côté de la plus grande centrale solaire terrestre. Inaugurée en 2016 au cœur du désert marocain, qui s'étend sur 4,8 bornes, c'est l'équivalent de 600 terrains de football.   

    En 2014, deux modules d'une telle plateforme sont fabriqués par le laboratoire de la Marine américaine (le NRL). Paul Jaffe, ingénieur en aéronautique et codévelopeur du projet, estimait alors : 

    « Il est difficile de dire si c'est complètement fou avant d'avoir essayé. »

    Six ans plus tard, le projet a pris de l'ampleur. Au Japon, 17 entreprises planchent sur une station solaire spatiale qui pourrait alimenter 294 000 foyers. Reste à savoir : comment envoyer le courant électrique sur Terre, grâce à des faisceaux laser ou des micro-ondes ? En tout cas, l'énergie produite, propre et inépuisable, pourrait ne pas dépasser les 8 yens (soit 0,06 €) par kilowattheure. 

    Aux USA, le laboratoire de recherches de l'Armée de l'Air (AFRL) travaille en ce moment sur la mission Arachne : une série de tests baptisés SSPIDR (« Space Solar Power Incremental Demonstrations and Research »). 


    Une réserve d'énergie à n'utiliser qu'en cas d'extrême urgence

    Au cœur de ces tests américains, un nouveau dispositif : le Photovoltaic Radiofrequency Antenna Module (PRAM), pensé par le NRL. Ce dispositif a été testé en mai 2020, attaché au drone spatial X-37B. Résultat concluant puisque la machine, grosse comme une boîte à pizza, a pu produire 10 watts d'énergie (de quoi charger une tablette). 

    Et maintenant ? Les scientifiques américains espèrent sur le long terme envoyer une douzaine de panneaux solaires dans l'espace. Quant aux Japonais, ils ont toujours leur objectif de 2030 en tête. Mais si eux travaillent à une énergie propre destinée à sa population, les Américains planchent plutôt sur la création d'une réserve, à utiliser dans les zones sinistrées lors de catastrophes naturelles, guerres, etc. 

    Plusieurs tests doivent encore être effectués. Parmi les SSPIDR, le satellite américain SPINDLE sera le premier à être envoyé en orbite, en 2023. Une version réduite du dispositif final, qui aura pour but de tester la gestion de la température des panneaux solaires en orbite. Il sera suivi, en 2025, par un dispositif plus abouti. Un test à 100 millions de dollars tout de même. Ce satellite sera-t-il capable, non seulement de récolter l'énergie du soleil et de la transformer en électricité, mais surtout de la renvoyer sur Terre ?

    L'ACRIMSAT, ancêtre du satellite solaire, construit par la NASA en 1999
     

    Pourquoi aller chercher l'énergie dans l'espace puisqu'on la trouve déjà sur Terre ?

    La lumière solaire est différente dans l'espace, car l'atmosphère terrestre agit comme un filtre. L’énergie solaire reçue sur Terre est en moyenne 25 % moins puissante. En plus, elle n'est pas captée 24 h/24, à cause des nuages et de la rotation de la planète. Placée suffisamment loin de la Terre, une station solaire spatiale pourrait ne jamais connaître la nuit

    Mais pour Paul Jaffe du NRL, « l’unique avantage qu'ont les satellites à énergie solaire, comparés à n'importe quelle autre source d'énergie, c'est la transmissibilité planétaire ».  Il explique : « Vous pouvez envoyer de l'énergie à Chicago et une fraction de seconde plus tard, si besoin, l'envoyer plutôt à Londres ou à Brasília. » 

    Une avancée scientifique qui pourrait combattre les inégalités énergétiques... mais qui présente un défi technologique : faire fonctionner des panneaux solaires sur Terre, facile ! Le faire à plus de 36 000 kilomètres et en orbite, c'est une autre histoire. Du coup, rien ne dit que cette idée folle voit un jour réellement la lumière spatiale… Et surtout, qu'elle soit capable d'alimenter des villes entières.

    Par ailleurs, que celles et ceux qui ont trop regardé de films de science-fiction se rassurent : l'associé de Paul, Chris Depuma a expliqué dans une interview donnée à CNN, qu'il serait « extrêmement difficile, voire impossible » de transformer l'énergie solaire de l'espace en arme. Ouf !

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