2022 M02 28
C’est bien simple, tous les Néo-Zélandais nés après 2008 ne pourront bientôt plus jamais acheter du tabac de leur vie. En décembre dernier, la ministre de la Santé Ayesha Verrall a fait savoir que l’interdiction d’acheter du tabac ou des cigarettes au moins de 18 ans allait évoluer en se durcissant chaque année : la limite légale passera à 19 ans dès 2027, puis 20 ans en 2028, etc.
Pour accompagner ce décret, le gouvernement Néo-zélandais va aussi réduire progressivement les taux de nicotine autorisés des cigarettes et limiter drastiquement le nombre de magasins autorisés à en vendre.
New Zealand leading the pack by incrementally increasing the legal #smoking age to create a smoke-free generation of Kiwis.
— The George Institute for Global Health (@georgeinstitute) December 9, 2021
This innovative approach will de-normalise smoking initiation and save many lives👏https://t.co/ifWWT6LtBW pic.twitter.com/V0KO66fFav
L’objectif de la ministre, qui est par ailleurs médecin, est limpide : « Nous voulons nous assurer que les gens ne commencent jamais à fumer… ». Ne jamais commencer pour ne jamais en mourir, cela semble un bon moyen de tuer le tabagisme. La Nouvelle-Zélande se verrait d'ailleurs bien devenir le premier pays au monde entièrement non-fumeur. Pour lui donner raison, aucun autre Etat n’est allé aussi loin dans ses décisions… Même pas la France ?
Les Français, accrocs aux lois sur le tabac
La France a pourtant une longue histoire législative dans ce domaine. Après avoir voté trois grandes lois en 1976, 1991 et 2006 sur le sujet, le gouvernement français enfonçait le clou en 2016 en imposant les paquets neutres, une hausse du prix du paquet, l’interdiction de fumer dans les lieux publics et la suppression des arômes et additifs. A ce stade, qu’attend-on pour interdire le tabac ?
L’Alliance Contre le Tabac réclame la prohibition de ce produit responsable de plus de 8 millions de morts chaque année dans le monde, dont 7 millions de fumeurs et 1,2 millions de victimes du tabagisme passif. Un carnage qui n’est pas sans conséquences économiques.
« Cinquième cause de mortalité, le tabagisme tue 8 millions de personnes dans le monde chaque année. »
Toujours selon l’Alliance Contre le Tabac, le tabagisme coûte 120 milliards d’euros par an à la collectivité dont 26 milliards rien qu’en soins. Les Néo-Zélandais l’ont bien compris et ils estiment justement pouvoir économiser environ 3,3 milliards d'euros en allégeant leur système de santé.
De l’argent parti en fumée
Pourtant, à défaut de l’interdire, l’État perçoit des taxes sur ce marché, mais comparé à ce que le tabagisme lui coûte, on est loin du compte : en 2020, les ventes de tabac lui ont rapporté près de 16 milliards d'euros. Si on voulait équilibrer le coût public du tabac avec des taxes, il faudrait vendre un paquet de cigarettes… 45 €.
Nous payons tous pour les dégâts de l'industrie du tabac, fumeurs comme non fumeurs.
— ACT - Alliance contre le tabac (@ACT_SansTabac) December 9, 2020
Cette industrie ne se contente pas de ses 75 000 victimes par an : son coût social est un gouffre pour la société.
⏰Il est temps de rétablir les faits sur les méfaits du tabac !⏰ pic.twitter.com/cySKNvO6fD
C’est pourquoi, le député Jean-Louis Touraine avait déjà tenté en 2015 d’orienter la loi vers une interdiction de toute vente aux jeunes nés après 2001. Mais tout arrêter n’est pas si simple.
Interdire le tabac ne fait pas disparaître les fumeurs
L’argument le plus fréquent utilisé par l’opposition est que toute forme de prohibition entraîne l’explosion d’une contrebande. A chaque hausse des prix, la France a vu se développer un marché noir, essentiellement dans les départements frontaliers, mais aussi sur Internet. L’interdiction ne déclenchera alors aucune amélioration côté santé publique, mais fera en plus disparaître les rentrées d'argent dans les caisses de l'Etat, alors accusé d'alimenter des réseaux potentiellement criminels. Or, on estime déjà que 15 à 30 % des cigarettes consommées en France ne proviennent pas de vendeurs autorisés…
D’autre part, économiquement, proscrire le tabac mettra la filière des buralistes à genoux, alors qu’ils soufrent souvent déjà de la disparition de la presse.
Enfin, il faut bien reconnaître qu’aucune étude n’a encore démontré l’efficacité d’une prohibition. Le fait d’interdire de fumer dans certains lieux n’a pas supprimé les fumeurs : ils étaient 24 % des Français en 2019, ils frôlent les 26 % désormais, tout particulièrement dans la tranche de population dont les revenus sont les moins élevés.
La France l’a encore constaté avec la pandémie : interdire ne suffit jamais. On ne résoudra pas le tabagisme en « emmerdant » les 15 millions de Français qui fument régulièrement. Limiter l’offre, comme compte le faire la Nouvelle-Zélande, et continuer d’offrir des aides au sevrage, seront sans doute plus efficace.