2020 M10 26
Fin juillet, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, annonçait que deux nouveaux Parcs naturels régionaux (PNR) allaient venir s’ajouter à la liste des 54 parcs déjà existants. Baie de Somme Picardie Maritime et Mont-Ventoux seraient les derniers nés dans cette famille commencée en 1967. A priori, voir aboutir des années de concertation dans un projet de sauvegarde de la Nature « venue de la France d’en bas », c'est forcément une bonne nouvelle.
En effet, l’élaboration des PNR est pour ainsi dire un modèle de démocratie participative : « En premier lieu, cela vient couronner de succès un long processus de négociation politique, ce qui n’est pas rien », explique Virginie Maris, chercheuse en philosophe de l’environnement au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier (CNRS). Au départ donc, toujours une envie de passionnés locaux de « valoriser des entités remarquables », qu’elles soient agricoles, naturelles ou patrimoniales.
Vers des bio-régions autonomes ?
De plus, les syndicats mixtes mis en place pour aboutir à la création d’un PNR sont tellement hybrides qu’ils transcendent très souvent les frontières administratives. Une rareté dans le découpage français. « Il y a bien sûr des ratés, notamment quand les communes changent de bord politique et refusent soudainement de suivre les recommandations, mais ça produit un maillage que l’on pourrait qualifier de bio-régions, soit l’invention d’une intendance territoriale. Que ces territoires puissent décider de leur avenir de manière autonome est d’une importance capitale. » Des régions dont le découpage obéirait à des contraintes écologiques plutôt qu’administratives ? Ça fait rêver.
« La nature, dans les PNR, est vue comme une nature-ressource, donc ça ne casse pas trois pattes à un canard. Clairement, on ne fait pas assez d'efforts pour la protéger réellement. Mais d’un point de vue de la revitalisation des territoires, c’est un outil magnifique. »
Pas de contraintes pour les élus
Et l’écologie dans tout ça ? Une fois le PNR et l’instance gouvernementale créés, et la charte validée pour 15 ans, que se passe-t-il concrètement ? Les grands travaux actuellement en cours au sommet du fameux Mont-Ventoux (Vaucluse, région PACA), que nous avons aperçus début octobre, c’était donc ça ? « Peut-être. Mais il faut savoir que les PNR ne sont pas contraignants. La charte, rédigée en termes d’objectifs, est une sorte de guide d’horizon. Son application continue de reposer sur la volonté des élus. » Résultat : sur certains PNR, l’agriculture conventionnelle polluante continue sa course folle.
Bons pour les territoires, bof pour la faune et la flore
Du coup, seraient-ils simplement du greenwashing ? Ou un soft power gentillet visant à attirer les visiteurs en leur vendant à tort l’image d’un territoire complètement protégé ? « C’est sans doute du soft power, mais pas du greenwashing, car ça engendre en principe des effets », précise Virginie Maris.
Le Conseil départemental du Vaucluse avait ainsi lancé dès le mois d'avril, soit avant la confirmation du PNR, un réaménagement du site du Mont-Ventoux, arrivé à saturation touristique. Un exemple : la base de la tour au sommet sera désormais réservée aux piétons et aux cyclistes. Les automobilistes devront se garer plus bas. « On a fait quelque chose de simple, qui respecte les lieux, son côté sauvage et nature », assurait fin septembre dans La Provence Thierry Lagneau, vice-président du Département.
« Le PNR n’est pas une collectivité territoriale, mais il peut en effet entraîner des arrêtés interdisant certains types d’usage », confirme Virginie Maris. Ne serait-ce que pour se conformer à l’image attendue par les touristes. Circulation, chasse, pollution lumineuse, affichages publicitaires peuvent ainsi être limités. Toutefois, nuance la chercheuse, « la nature, dans les PNR, est vue comme une nature-ressource, donc ça ne casse vraiment pas trois pattes à un canard. Clairement, on ne fait pas assez d'efforts, étant donné la gravité des enjeux environnementaux. Mais d’un point de vue de la revitalisation des territoires, c’est un outil magnifique », conclut-elle.
En théorie, les Parcs naturels régionaux devraient donc constituer le minimum syndical, notamment en termes de protection des espèces et d’agro-écologie. A défaut de décisions plus fortes et plus rapides, ils sont pour l’instant un joli pis-aller. En espérant qu'ils aient au moins le mérite de faire prendre conscience au public des enjeux.