Le saviez-vous ? Il y a 82 monnaies locales en France (et elles peuvent rapporter gros)

Si vous aimez payer vos courses en enrichissant vos commerçants et producteurs plutôt que des banquiers, vous allez adorer ces billets qui n'ont rien à voir avec ceux du Monopoly.
  • En Bretagne, on aime le Pezh. Ce n’est pas nous qui le disons, mais les 21 000 habitants qui reçoivent en ce moment cette nouvelle monnaie remise par trois communautés d’agglomérations locales (du Trégor à Guingamp). Le Pezh ne peut être dépensée qu’auprès d’une centaine de commerces et services de la région ; une contrainte qui est justement sa force. Car en empêchant cet argent de fuir à l’étranger – comme cela arrive lorsque vous commander un produit en ligne – le Pezh renforce l’économie locale, celle des artisans et petits commerces, justement ceux qui ont été les plus frappés par la crise de la Covid-19.

    Ka-TCHING !

    Près de Béziers, la ville de Capestang a elle aussi lancé sa propre monnaie au déconfinement. Le maire a remis l’équivalent de 50 € en jetons de SEL (Solidarité Économie Locale) en expliquant que « c’est à la fois un soutien aux commerçants, producteurs et artisans locaux, et un coup de pouce à votre pouvoir d’achat ». Chaque jeton vaut 1 € de telle sorte qu’un rôti à 10 € vaut 10 SEL chez le boucher. Pourtant en restant captive dans la ville, cette monnaie rapporte plus.

    Une étude récente menée par l’association Mouvement SOL a estimé qu’en circulant beaucoup plus au lieu d’être épargnée ou placée, une monnaie locale fait gagner 25 % à 55 % de revenus en plus sur l’économie. Simplement parce que ces monnaies ne peuvent pas être placée sur un livret bancaire, ce qui incite à réutiliser l’argent en poche. Et vous allez le dépenser chez ceux qui à leur tour auront besoin de vos services. Rien qu’en payant un rôti, vous soutenez l’économie réelle plutôt que le monde de la finance. Et à voir le nombre de monnaies créées, ça fonctionne bien.

    Tout le monde veut jouer à la marchande

    Au commencement, il y eu l’Abeille. La première « monnaie complémentaire » moderne française lancée dans le Lot-et-Garonne en 2010. En réaction à la crise qui frappait l’économie mondiale, une douzaine d’autres se créèrent dans les 18 mois qui suivirent : la Roue en Provence, la Sol-Violette à Toulouse, l’Epi Lorrain dans le Grand Est… Une décennie plus tard, on en dénombre 82 et une demi-douzaine devrait encore voir le jour cette année. Mais au fait, c’est quoi une monnaie locale ?

    La loi de 1994 sur l'économie sociale et solidaire les appelle des « monnaies locales complémentaires » (MLC) car elles ont cours en plus de l’Euro auquel elles ne peuvent se substituer sur quelques versements (salaire, loyer…). Elles sont généralement mise en place par des associations ou des collectivités, en proposant une liste de commerces partenaires, une masse monétaire définie et un taux de change invariable. Des éléments de stabilité qui en font un rempart contre la spéculation. En d’autre termes même si l’inflation fait monter les prix, votre monnaie conserve sa valeur.

    Pas besoin de cours d’économie pour comprendre leur impact positif sur l’économie locale. Si un même billet de 10€ sert à payer le matin un boulanger qui va acheter à midi son déjeuner dans un snack dont le patron va le soir s’offrir un verre en terrasse, cet argent aura généré 3 fois 10 € dans la même journée. L’inverse d’un billet déposé sur un compte pour régler des achats en ligne, un abonnement à un service, ou financer une épargne. On parle de "vélocité" d’une masse monétaire et plus une somme va vite, mieux se porte l’économie.

    Ça tombe bien, les MLC sont sept fois plus rapides que l’Euro. Une performance qui redonne confiance pour investir sereinement en embauchant par exemple, ou en acceptant plus facilement des changements structurels. C’est ainsi rassurées que certaines entreprises vont modifier leur consommation énergétique, déléguer certains services annexes ou opter pour de nouveaux moyens de livraisons. Ça, les consommateurs l’ont bien compris.

    1 ville sur 3 reprend le contrôle de son économie

    Selon le rapport du Mouvement Sol, sur 10 utilisateurs d’une monnaie complémentaire, 4 privilégient désormais les achats de proximité. Et 69 % estiment avoir une meilleure compréhension de l’économie, en particulier en réalisant les liens entre celle-ci et les enjeux de société ou les impacts sur l’environnement. Et cette reprise de contrôle de l’économie par la population est peut être l’impact positif le plus intéressant.

    « Au Pays-Basque, les paiements en Eusko ont été adoptés par 1000 entreprises depuis 2013, dont 50 % ont remplacé leurs fournisseurs par des sociétés locales. »

    En privilégiant les circuits-courts, on crée des réseaux d’entraide et du lien social. Autant de bénéfices en cascade pour tous : le premier soutien naturellement l’agriculture, les seconds boostent l’économie et le tissu associatif, et le dernier combat naturellement l’isolement des seniors ou le nombre de personnes à la rue… On le voit : conserver une économie locale réduit des dépenses sociales ce qui, encore une fois, fait gagner de l’argent à tout le monde.

    C’est sûrement pour cela que 30% des communes françaises utilisent une monnaie complémentaire. Des billets bien éloignés de ceux du Monopoly, où un seul joueur sort gagnant après avoir épuisé tous les autres. Selon le Mouvement Sol, toutes nos MLC profitent à 35 000 Français et pèsent plus de 4,4 millions d’euros cumulés. Mais au fait, que font les associations porteuses de tout cet argent qui a été changé ? Elles le réinjectent pardi ! L’association Euskal Moneta-Monnaie conserve 5 % des fonds déposés pour ses frais de gestion et utilise le reste pour booster des projets solidaire et/ou de transition écologique. Tout cela en payant votre apéro, votre coiffeur, votre pharmacien, ou votre kiné. Ca donne envie de recommander un verre, non ?

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