Nouveau rapport du Giec : que faut-il en retenir ?

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a rendu public le lundi 20 mars une nouvelle synthèse contenant 10 000 pages de travaux publiées depuis 2015. Voici les 5 points importants à connaître pour mesurer la progression du réchauffement climatique
  • « Dans le contexte d’urgence climatique, le GIEC s’est imposé comme la voix du climat ». Cette phrase, prononcée par Kari De Pryck, enseignante-chercheuse à l’université de Genève lors d’une interview pour Le Monde, résume en quelques mots la raison d’être du GIEC : faire du climat une priorité pour les États du monde entier. Kari poursuit :

    « Son autorité et sa légitimité se sont construites avec le temps, grâce à la volonté d’excellents scientifiques et experts d’en faire partie, grâce à la force de ses arguments scientifiques, mais aussi grâce à sa capacité à s’institutionnaliser, à mettre en place des pratiques très sophistiquées pour organiser l’interface entre sciences et politique. »

    En d’autres termes, les bilans et recommandations du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, qui a été créé en 1988, sont devenus avec le temps incontestables. 

    Le lundi 20 mars, le GIEC a rendu public deux documents hautement importants. Le premier est un rapport de synthèse, qui « rassemble les enseignements des trois volets de son 6e rapport d’évaluation (parus en 2021 et 2022), ainsi que ceux de trois rapports spéciaux (2018 et 2019) », comme l’écrit Le Monde.

    Le second s’intitule Résumé pour les décideurs. Il s’agit d’une trentaine de pages présentant un bilan de la science et qui propose des solutions afin de lutter face aux enjeux climatiques. Un document qui a dû être approuvé, ligne par ligne, par l’ensemble des 195 États membres du GIEC. Accélération de la sortie des énergies fossiles, réduction des émissions de CO2, conséquences d’un réchauffement de +1,5°C, mesures pour lutter contre le réchauffement climatique... voici les cinq points essentiels à retenir après huit années de travail.

    1 - C’est l’homme qui est responsable du changement climatique

    Il s’agit d’une affirmation « sans équivoque », à savoir qu’il n’y a aujourd’hui plus aucun doute sur la véracité de cette information. Oui, ce sont les activités humaines (nos modes de vie, de consommation, de production, etc.) qui sont la cause principale du réchauffement climatique, notamment la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) ainsi que la déforestation. « Les émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines ont sans équivoque réchauffé le climat à un rythme sans précédent », écrit le GIEC.

    Résultat : la température sur Terre a augmenté de +1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900). Les conséquences sont nombreuses sur l’éco-système et l’équilibre de la planète : les océans se réchauffent, les glaciers fondent, la biodiversité se dégrade. Le rapport insiste notamment sur la rapidité à laquelle ces changements s’opèrent. « La hausse du niveau de la mer est plus rapide depuis 1900 que depuis 3000 ans et les océans se sont réchauffés plus rapidement au XXe siècle que depuis 11 000 ans », écrit Réseau Action Climat. Globalement, ce dérèglement climatique s’observe lors des canicules, des sécheresses, des tempêtes ou des feux, de plus en plus fréquents et violents. 

    2 - Entre 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont vulnérables aux changements climatiques

    Autre chiffre saisissant : près de la moitié de l’humanité vit dans des « contextes hautement vulnérables au changement climatique ». Le GIEC estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards d’être humains sont concernés. Cette vulnérabilité se matérialise par des problèmes alimentaires, des pénuries d’eau — qui peuvent avoir des conséquences sur la santé, sur l’agriculture, l’énergie, etc, des vagues migratoires ou encore des risques plus élevés de transmissions de maladies et de virus. Et ce sont ces mêmes populations, qui ont le moins contribué au réchauffement climatique qui sont (et seront) les plus touchées par les conséquences de ces changements.

    « Les 10 % de ménages ayant les émissions par habitant les plus élevées contribuent par exemple à 34-45% des émissions globales de gaz à effet de serre des ménages ». Oui, le dérèglement climatique est une injustice qui met en exergue ces inégalités. 

    3 - La température pourrait augmenter de +2,7°C degrés d’ici à la fin du siècle

    Il y a un scénario optimiste où les États membres parviennent à respecter les accords de Paris, à savoir « réduire considérablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre dans le but de limiter à 2 °C le réchauffement planétaire au cours du siècle présent, tout en poursuivant l’action menée pour le limiter encore davantage à 1,5 °C ».

    Mais force est de constater que la grande majorité des pays n’arrivent pas à mener des politiques pour inverser les courbes. D'ailleurs, « seuls 18 pays ont réussi à réduire leurs émissions pendant plus de dix ans », écrit Le Monde. C’est pourquoi, en prenant en compte les engagements climatiques en cours, les experts estiment que « nous nous dirigeons plutôt actuellement vers un monde à +2,7 °C degrés d’ici à la fin du siècle, comme le rapporte Libération. C’est le scénario intermédiaire. Dans le pire des scénarios, la planète sera 4,4 degrés plus chaude. Selon le GIEC, nous risquons d’atteindre les + 1,5 °C entre 2030 et 2035. Et « les années chaudes d'aujourd'hui seront parmi les plus fraîches dans une génération ».

    4 - Il faut réduire de 50% nos émissions d’ici à 2030

    Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour dépasser le moins possible les +1,5 °C. « Les émissions devraient déjà diminuer et devront être réduites de près de moitié d’ici 2030, si l’on veut limiter le réchauffement à 1,5°C », écrivent les experts.

    Pour cela, des mesures concrètes doivent être mises en place à l’échelle mondiale, sans lesquelles la planète se dirige tout droit vers la catastrophe. « Ce rapport de synthèse souligne l'urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous », a précisé Hoesung Lee, le président du GIEC. Le communiqué est lui aussi très clair sur ce point : « il ne sera pas possible de limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels sans une réduction radicale, rapide et durable des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs. Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, nous devons diminuer les émissions dès aujourd'hui et les réduire de près de 50 % d'ici à 2030. »

    5 - Les solutions efficaces existent et sont déjà opérationnelles

    Pour mener cette transition mondiale, le GIEC indique aussi la voie à suivre. Selon le groupe d’experts, des mesures qui permettent de réduire ou d’éviter les émissions de CO2 sont la clé, notamment « l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’électrification des systèmes urbains, les infrastructures vertes urbaines, l’efficacité énergétique, l’amélioration de la gestion des forêts et des cultures-prairies et la réduction du gaspillage et des pertes alimentaires ».

    Sans surprise, le déploiement des énergies renouvelables doit s’accompagner d’une réduction des énergies fossiles et du développement des technologies de captage et stockage du CO2. Il est nécessaire de « repenser les villes, gérer les cultures de manière durable, modifier les régimes alimentaires ou développer les voitures électriques (avec une électricité bas carbone). Dans tous les domaines, la réduction de la demande et la sobriété sont essentielles », peut-on lire dans cet article du Monde. 

    Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, invite les pays les plus développés à atteindre la neutralité carbone au plus tôt, c’est-à-dire « le plus près possible de 2040 » — c’est dix ans plus tôt que la France par exemple. « Chaque pays doit faire partie de la solution. En exigeant que les autres agissent en premier, on s’assure que l’humanité arrive en dernier », a martelé Antonio Guterres.

    Comme il s’agit là d’une synthèse, la plupart des éléments énoncés étaient déjà connus. La piqûre de rappel doit maintenant s’accompagner de mesures extrêmement fortes en faveur d’une transition écologique à taille humaine. Et c’est à partir de là qu’on entrera véritablement dans le dur. « Nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés » mais « ce qui manque pour l’instant, c’est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes », a assuré Hoesung Lee. La planète est passée en « mode survie ». À nous maintenant de la protéger pour éviter que son état n'empire.

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