2022 M02 15
« Nous avons été impliqués dès le début du projet quand l’idée a été lancée en 2013, même sur la question de l’architecture par exemple », explique Françoise Diris, présidente de France Alzheimer Landes. « Nous avons formé les architectes qui devaient dessiner les plans. Leur expliquer comment fonctionne la maladie. Ils voulaient par exemple mettre différentes couleurs au sol et nous leur avons dit que ce n’était pas une bonne idée. Ils n’avaient pas cette maîtrise, et c’est bien normal. Nous sommes intervenus pour les aiguiller. »
Aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives en France. En 2015, 900 000 personnes étaient atteintes et chaque année 225 000 nouveaux cas sont recensés. Selon les estimations, ces chiffres vont doubler d’ici 2050. C’est dans ce contexte qu’est née en 2020 une structure différente, un village inspiré d’un projet développé aux Pays-Bas depuis les années 1990. Le concept : concevoir un village dédié à l’accueil et à l’hébergement des malades d’Alzheimer. Un lieu où les résidents mènent une vie active. Ils y font leurs courses, vont chez le coiffeur, au bistrot, au resto, et même au théâtre. Une forme de thérapie de l'ordinaire !
« Faire autrement, accompagner autrement, c’est possible. Dans ce Village (...) on vit au rythme des malades. Un lieu où ils mangent quand ils le veulent et pas où on les fait manger à 18h pour les coucher à 19h. Un lieu où il y a de la vie et ouvert sur l’extérieur aussi. Voilà, un lieu de partage. »
Le village a été construit au cœur d’un terrain de 150 000 m2. Il accueille 120 résidents répartis au sein de quatre quartiers. Dans chaque quartier, quatre « maisonnées » de sept à huit personnes avec leurs chambres, mais aussi des espaces communs (cuisine, salon, salle à manger et terrasse). Deux maîtres ou maîtresses de maison vivent toute la journée avec eux par période de 11 heures consécutives, au rythme d'un mois et demi dans la même maisonnée pour un meilleur contact. Ici, pas de blouses blanches pour atténuer la différence entre résident et personnel. L’objectif est également de rendre le moins visible possible la maladie et les éléments stigmatisants dans la prise en charge collective des personnes.
Et ça marche ! « Ma mère est entrée au village il y a 6 mois. Ce qui change ici, c’est surtout qu’elle est très entourée et qu’elle vit avec d’autres personnes comme elle. Quand je viens la voir, ce sont les mêmes personnes qui s’occupent d’elle, c’est rassurant. Je leur fais confiance, elles font un travail formidable », explique Marie. « Ici, chaque infirmière s’occupe d’une trentaine de villageois. Pour des soins du quotidien et l’accompagnement des prises de médicaments. L’avantage, c’est qu’ils peuvent personnaliser cet accompagnement, et même passer plus de temps avec quelqu’un qui en aurait besoin. Et ça c’est impossible en milieu hospitalier. »
Aujourd’hui, le village s’inscrit toujours dans une démarche innovante et expérimentale. Une démarche qui pourrait servir de base d’améliorations aux EHPAD de demain. Mais pour cela, il faudra attendre la fin de la pandémie, et un retour à la normale dans le fonctionnement du village. En attendant, Marie est convaincue : « Au final, ma mère est sortie de son mutisme après quelques semaines seulement de présence ici ! »