2022 M02 9
La hausse de l’espérance de vie, et la présence accrue de nouvelles pathologies comme la maladie d’Alzheimer, font du bien-vieillir un enjeu de société crucial pour un nombre croissant de français.
D’ailleurs, alors que le scandale des conditions de soins et d’accompagnement des établissements ORPEA vient d’être dévoilé, bon nombre de personnes prennent conscience qu’une autre vision du care est désormais souhaitable, à travers des valeurs plus humanistes et bienveillantes.
L’équation n’est pourtant pas simple, puisqu’il faut trouver le juste équilibre entre la sécurité des personnes, d’une part, et leur vie sociale de l’autre, tout en trouvant un modèle de financement qui permette aux accompagnants (familles, aides-soignants, auxiliaires de vie, médecins) d’assurer pleinement leurs fonctions auprès des personnes en manque d’autonomie.
“Entre maintien à domicile à tout prix et Ehpad, il existe peu d’alternatives” explique Agathe Gestin, responsable du programme Personnes âgées de la Fondation de France. Un sujet urgent puisque, selon l’Insee, le nombre de seniors en perte d'autonomie va augmenter de plus de 60 % d’ici 2050, passant de 2,5 millions à 4 millions de personnes.
Une colocation pour réinventer les soins à domicile
C’est dans la ville de Buc, dans les Yvelines, que se situe la Maison des sages. Cette maison pas comme les autres est partagée par huit personnes, toutes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Créée par le Docteur Alain Smagghe et Alexandre Schmitt, elle représente le parfait exemple de ces habitats inclusifs qui se développent en France et qui permettent une approche innovante du vivre ensemble et de la solidarité.
L’habitat inclusif, c’est un dispositif légal qui se différencie de l’habitat ordinaire et des établissements médico-sociaux. Cette solution de logement pour les personnes âgées et les personnes handicapées est en train d’éclore en France et pourrait, demain, devenir la norme.
Dans la maison des sages, comme dans les autres habitats inclusifs, chaque habitant dispose de son espace privatif tout en partageant des espaces communs et un projet social commun. C’est très clairement inspiré du mode de fonctionnement de n’importe quelle colocation. Sauf qu’au quotidien, les personnes âgées y sont accompagnées par les Sages : des aides soignants, des auxiliaires de vie mais aussi les familles qui peuvent participer aux décisions qui sont prises concernant l’organisation du lieu de vie.
« Le nombre de seniors en perte d'autonomie va augmenter de plus de 60 % d’ici 2050, passant de 2,5 millions à 4 millions de personnes. »
Ne pas lier le manque d’autonomie au manque de lien social
Cette grande colocation permet de repenser la manière dont on accompagne les personnes en manque d’autonomie - sans pour autant les isoler dans des établissements où - malgré les apparences - beaucoup souffrent d’un manque évident de lien social.
Au-delà de la maison des sages, et de ses 8 colocataires, ces dispositifs se multiplient ces dernières années. On peut citer l’exemple de l'association Habitat et Humanisme, qui propose des logements à vocation intergénérationnelle du même type, à Arras, Saint-Étienne ou encore Strasbourg. Plus récemment, c’est aussi la startup Biens Communs qui s’est lancée dans ce concept d’habitats partagés adaptés aux personnes âgées souffrant de la maladie d'Alzheimer afin de proposer un cadre de soin dynamique tout en mutualisant l’aide à domicile.
Sa première maison, située à l'Haÿ-les-Roses dans le Val-de-Marne, accueillera ses quatre premiers colocataires prochainement. Elle espère ouvrir une seconde maison ainsi qu’un appartement d’ici la fin de l’année. Un autre exemple similaire existe aussi en Bretagne avec la résidence domicile partagé de Beignon dans le Morbihan.
Des initiatives qui font du bien au moral, et qui ouvrent la voie à une autre façon d’accompagner le bien-vieillir. Pour celles et ceux qui ont aimé la colocation lors de leurs études, ce “retour aux sources” pourrait être intéressant à suivre.