2022 M02 14
Faire des courses, préparer à manger, inviter ses proches à dîner ou même aller au restaurant, autant d’actions du quotidien qui peuvent paraître anodines, mais qui pour les 7 millions de Français et Françaises qui ont recours à l’aide alimentaire sont synonymes de mal-être, voire d’insécurité. Dans son dernier rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France, le Secours Catholique alerte sur l’urgence de cette précarité alimentaire qui touche 10% de la population.
Les inégalités se sont d’autant plus creusées depuis le début de l’épidémie de Covid19. D’un côté, les revenus ont pu être amputés, et de l’autre, les dépenses ont augmenté avec la fermeture des cantines et la hausse des factures d’électricité. La pandémie a agi « comme le puissant révélateur d’une insécurité alimentaire déjà bien ancrée » selon cette étude.
Un modèle agricole et alimentaire à repenser
L'industrialisation de l’agriculture et son intensification ont des effets très négatifs sur notre environnement, mais aussi sur les conditions de vie des agriculteurs et agricultrices. C’est un secteur en grande souffrance : ils sont de moins en moins nombreux en France, leurs revenus sont de plus en plus bas, le taux de suicide est très fort dans cette profession...
Du côté de la production, tous ces aliments transformés ne sont pas très bons pour notre santé. Pour respecter notre corps, et la planète, on nous recommande de manger des produits bruts, si possible issus de l’agriculture biologique ou raisonnée, et provenant de circuits courts. Mais pour cocher toutes ces cases, il faut pouvoir y mettre le prix.
Car des initiatives intéressantes, il en existe, mais elles sont souvent réservées à une partie relativement aisée de la population. Les plus pauvres n’ayant pas vraiment le choix de ces alternatives. Au final, elles ne font que renforcer ces inégalités, sans vraiment remettre en question le système au global.
Qu’est-ce que la sécurité sociale alimentaire ?
Le droit à l'alimentation est un droit humain reconnu par le droit international. Il devrait assurer à chacun.e la possibilité de se nourrir de manière adaptée, suffisante et régulière, dans la dignité et le choix. Or aujourd’hui en France, nous ne sommes pas toujours capables de mettre l’ensemble de la population à l’abri de la faim. Une situation paradoxale dans un pays où l’on jette 10 millions de tonnes d’aliments chaque année.
Parmi les mesures qui peuvent être mises en place pour lutter contre cette précarité alimentaire, ressort celle de la Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA). Ce projet est porté depuis deux ans dans le débat public par un regroupement de onze associations. Leur objectif ? Intégrer « l’alimentation dans le régime général de la Sécurité sociale, tel qu’il a été initié en 1946 » et ainsi garantir un accès universel à une alimentation choisie et à des produits frais et de qualité.
Cette vision permettrait de transformer notre modèle actuel, de la production agricole à la consommation, en passant par la transformation et la distribution des produits. L’idée serait alors de faire naître « une démocratie dans l’alimentation ». Dans son essence, la SSA veut s’adresser à toutes et tous, quels que soient les revenus, car « une politique pour les pauvres reste une pauvre politique » peut-on lire sur le site du collectif.
« Personne ne se sent ‘assisté’ aujourd’hui lorsqu’il utilise sa carte vitale chez le médecin parce que tout le monde y a droit : il doit en être de même pour l’alimentation ! »
De manière concrète, la SSA reposerait sur un modèle calqué sur celui du système de santé, avec « une carte vitale de l’alimentation » qui donnerait accès à « des produits conventionnés pour un montant de 150€/mois et par personne » grâce à un mode de financement basé sur la cotisation sociale. Pour déterminer le conventionnement des denrées alimentaires, des caisses primaires démocratiques seraient mises en place au niveau local.
Des initiatives locales inspirées de ce modèle
Quelques projets inspirés de la SSA ont vu le jour ces dernières années. C’est le cas des Paniers Marseillais, un réseau d’Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) qui s’est associé au Secours Populaire des Bouches-du-Rhône. Ensemble, ils ont mis en place des paniers solidaires à 3 euros, à destination de familles en situation de précarité. Une initiative qui permet l’accès à une alimentation de qualité tout en soutenant les maraîchers bio de la région qui peuvent compter sur des revenus réguliers.
Plus récemment, dans la Drôme, le « marché du lavoir » de Dieulefit se base également sur les valeurs de la SSA, pour rendre accessibles ses produits bio et locaux. Lancée le 15 septembre dernier, cette initiative municipale permet la vente directe d’un producteur à un consommateur qui a le choix entre trois prix : le « prix du maraîcher » qui couvre les coûts de production et un revenu décent, le « prix accessible » qui est 30% moins cher et le « prix solidaire », 30% plus cher, qui permet au précédent d’exister.
Autre exemple avec l’Épicerie Paysanne Ambulante et Solidaire (EPAS) qui s’est montée pendant le premier confinement dans l’Aude après l’annonce de la fermeture des marchés et des restaurants. Elle permet de vendre en direct aux consommateurs, des bons produits à des prix accessibles, et ce même dans des villages reculés, leur permettant alors de retrouver une certaine autonomie. Des paniers solidaires ont été mis en place avec le Secours Catholique pour donner accès à cette alimentation de qualité aux foyers les plus modestes.
Vous pouvez découvrir d’autres initiatives sur le site de SSA. Si pour l’instant, elles restent à l’échelle locale, le collectif ambitionne de voir ce modèle se systématiser à l’ensemble du pays. C’est là qu’il sera efficace dans sa lutte contre la précarité alimentaire.