Pollution au plomb, accidents, biodiversité... comment la chasse tue aussi l'écologie

Si on laisse de côté les arguments pro-tradition et anti-cruauté envers les animaux, les chasseurs sont-il un plus pour l’environnement ou contribuent-ils à sa dégradation ? On fait la mise au point.
  • C’est à chaque fois comme une détonation : quand les médias évoquent les chasseurs, c’est à la suite d’un drame. En 2022, dans le Cantal, une promeneuse de 25 ans a été blessée par une balle qui avait pourtant traversé un sanglier ; elle est décédée moins d’une heure plus tard.

    Chaque fois, l’émotion l’emporte et les débats deviennent houleux. Mais sécurité mise à part, d’autres voix se sont élevées depuis des années pour attaquer l’impact environnemental des porteurs de fusil. Une question d’autant plus légitime que la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) elle-même présentait ses membres comme les « premiers écologistes de France » en 2018.

    chasseurs écologistes

    De fait, les chasseurs entretiennent les milieux qu'ils arpentent pour s'assurer d'avoir du gibier. Comme le décrit Jean-Pierre Arnauduc, le directeur technique de la fédération des chasseurs "Ici [le chasseur] plante une haie, là il récrée un étang ou une mare, ici encore il ensemence une parcelle nourricière pour les animaux..." Pourtant, différents points vont à l’encontre de cette affirmation en soulignant combien cette activité dégrade la nature. Passons les en revue.

    1. La pollution des munitions
        
    Élément central du tir de chasse, la cartouche influence l’efficacité et la portée du coup de fusil. Au cœur de chacune, de la grenaille bien souvent faite de plomb. Or celui-ci est un poison. Un rapport remis au Sénat évalue à près de 250 millions le nombre de cartouches tirées chaque année par les chasseurs français et chacune contient une trentaine de grammes de plomb. « Dans les conditions actuelles de chasse, estime le rapport, 6000 tonnes de plomb sont, chaque année, déversées dans la nature ».

    Hélas, le plomb abandonné – coup manqué, munition pas systématiquement ramassée, ou proie enfuie malgré sa blessure – n’est pas biodégradable et peut rester des décennies présents dans les sols, contaminant les poches d’eau et parfois les récoltes.

    Les animaux blessés au plomb déclenchent, eux, un saturnisme, qui altère leur capacité de reproduction et les rend impropres à la consommation, car le plomb est un perturbateur endocrinien. Un comble pour du gibier. Le rapport du Sénat suggérait de remplacer au plus tôt ces munitions par des substituts au plomb et de mettre en place un système de consigne incitant à rapporter les cartouches utilisées.

    2. Une mission de régulation inutile

    Selon l'Office national de la chasse (ONCFS devenu depuis l’Office français de la biodiversité), au moins 22 millions d’animaux par an sont abattus par "prélèvement" - terme cynégétique désignant le fait de tuer. Notre pays autorise la chasse de 90 espèces, près du double de la moyenne européenne. Surtout, cette liste inclut des espèces classées « menacées » par l'Union internationale pour la Conservation de la Nature…

    Une bonne part des animaux chassés sont des oiseaux migrateurs, qui ne nécessitent pas d’être « régulés ». Une analyse menée par le naturaliste Guillaume Calu montre que 55 % des espèces tirées ne sont pas nuisibles. On en vient à croire sur parole le sulfureux président de la FNC, Willy Schraen, qui confessait « On prend du plaisir dans l’acte de chasse, j’en ai rien à foutre de réguler ».

    3. Des prélèvements nuisibles à la biodiversité

    Loin de la réputation qui voudrait qu’ils dégomment tout ce qu’ils voient, les chasseurs alignent largement des animaux élevés pour être tirés. Près de 20 millions d'animaux n’ont grandi chaque année que pour servir ainsi de cible mouvante. On serait tenté d’y voir des vases communicants, où les bêtes ajoutées remplacent celles tuées, mais ce n’est pas le cas : ces animaux d’élevage ne s’adaptent pas à la vie sauvage et finissent par décéder. Avant quoi, ils ne remplissent pas non plus leur rôle dans la chaîne animale, ce qui est lourd de conséquences.

    Bien sûr, le FNC aime à rappeler combien ses troupes s’investissent tout au long de l’année – financièrement mais aussi en volontariat par centaines de milliers de bénévoles – pour entretenir les écosystèmes. Et ces actions (ici rappelées) sont nombreuses et concrètes, même si elles visent surtout à entretenir une faune d’année en année pour assurer de trouver un gibier la saison suivante. Que penser des abris en tôle ondulée, laissés en nature pour facilement retrouver les bêtes plus tard, d'un point de vue environnemental ?

    Les chasseurs aiment rappeler que les VTTistes et promeneurs ne font que profiter des bois sans les entretenir, eux. Mais toutes ces actions d'entretien pourraient être faites avec la même énergie par d’autres associations, sans plomb ni nécessité de tuer, in fine.

    On peut conclure que, si à une époque, le « prélèvement » des chasseurs était une nécessité pour empêcher les espèces nuisibles de pulluler, évitant aux agriculteurs d’être ravagés par des rongeurs et aux éleveurs d’être harcelés par des carnivores, le risque aujourd’hui est d’éradiquer des maillons de la chaîne de la biodiversité et de déséquilibrer des éco-systèmes déjà meurtris par une agriculture intensive et un climat détraqué.

    Reste enfin le fait que ce loisir est mortel pour une part de la population. En 20 ans, plus de 400 personnes ont été mortellement blessées dans l'un des 2800 accidents de chasse enregistrés entre 1999 et 2019. Un taux de mortalité de 15 % donc, plus faible que celui des chasseurs du monde entier mais hélas dramatiquement haut pour une activité qui – contrairement au transport, dont les accidents tuent aussi – ne relève que du seul plaisir des participants.

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