Qui est Fanchon Mayaudon-Courtel, la "super-lesbienne" qui a fait plier Google ?

Avec son collectif SEO Lesbienne, elle a fait modifier l’algorithme de Google, qui ne montre plus systématiquement des pages de sites porno quand on tape le terme "lesbienne" dans la fameuse barre de recherche. Elle se bat désormais contre les règles discriminatoires de Facebook.

Difficile de le savoir si vous n’êtes pas sensibilisé à cette thématique, mais en quelques années et grâce à une détermination peu commune, Fanchon Mayaudon-Courtel a rendu Google plus sûr et plus respectueux des femmes. Tout en prouvant qu’il suffisait parfois de s’allier face aux Gafam pour obtenir gain de cause.

En effet, depuis quelques semaines, lorsque l’on tape le mot "lesbienne" dans la barre de recherche du géant de la Silicon Valley, on ne tombe plus sur des dizaines et des dizaines de pages de sites porno, comme ce fut le cas pendant des années, notamment lors du traitement médiatique de l’élection de Lori Lightfoot, première maire ouvertement lesbienne et noire de Chicago (photo ci-dessous). Alors que le terme anglais "lesbian" renvoyait vers des articles sérieux, sa traduction française équivalait en effet à un déferlement de liens porno. De quoi agacer les militantes, à l’époque non fédérées par un mouvement commun.

Tout comme le fait de rechercher le terme "gay" menait depuis très longtemps vers des sites d’associations, des définitions objectives du terme et des boîtes de nuit ou dédiées à la communauté homosexuelle, "lesbienne" renvoie désormais à des coupures de presse, des vidéos éducatives, des gifs d’Adèle ou des définitions bien plus sages de dictionnaires en ligne. Que s’est-il passé, ces deux dernières années, pour que Google plie face à un groupe de lesbiennes françaises ?

Photo : Lori Lightfoot, maire de Chicago, ouvertement lesbienne

Déséquilibre de traitement entre les femmes et les hommes

Elle-même homosexuelle, évoluant dans le monde de la tech, Fanchon Mayaudon-Courtel, spécialiste du service client dans une néo-banque numérique, crée début 2019 un collectif, le bien-nommé SEO Lesbienne (dans le jargon, SEO signifie "Search Engine Optimization", soit en français "Optimisation pour les moteurs de recherche"). Ensemble, elles partent à l’assaut de Google et d'autres algorithmes établis en premier lieu pour répondre aux désirs de ces messieurs.

C’est pourtant bien en amont, à l’époque de son coming out en 2010, que la jeune femme avait déjà remarqué ce drôle de déséquilibre. "Si moi, adulte, j’étais choquée, imaginez les adolescentes un peu fragiles qui en cherchant de l’aide, une définition claire (…) tombaient systématiquement sur de la pornographie. D’autant que les adolescents LGBT+ sont plus sujets à des problèmes de dépression, de rejet, de suicide, de harcèlement", expliquait-elle à Amnesty International il y a quelques semaines, alors que les algorithmes du plus utilisé des moteurs de recherche semblait avoir enfin rectifié sa course.

Tout est parti d’un tweet discret pour la cyber-activiste improvisée : "Pourquoi on n’utiliserait pas les mêmes méthodes que les ‘marketeux’ pour mieux faire référencer le terme 'lesbienne' ?". Un gazouillis qui a fait réagir Marie Turcan, rédactrice en chef du site spécialisé en vie numérique Numerama. Puis les choses se sont enchaînées. D’articles dans tous les médias en campagnes de "bombardement" afin de faire déréférencer des pages, les compétences s’accumulent et les idées fusent, jusqu’à la question de Marie Turcan au vice-président de Google, lors d’une conférence de presse en 2020. Ce dernier reconnaît alors la faute.

Les sites porno relégués en page 11 ou 12

Un an plus tard, il faut aller fouiner jusqu’à la page 11 ou 12 de l’ami Google pour voir apparaître les premiers sites porno liés au lesbianisme, une recherche adulée par tous les hommes hétéros de la planète. Et il n’est plus besoin désormais d’activer la fonction Safe Search pour échapper à ces sollicitations pornographiques, que les militants jugeaient dégradantes, car discriminantes.

La prochaine étape ? Se faire entendre d’autres Gafam. Alors que la victoire sur Google était imminente, sur Facebook, c’est une autre histoire. Créer (par exemple) un simple groupe comprenant le nom commun "lesbienne" plutôt que le terme "homosexuelle" est impossible sur le réseau de Mark Zuckerberg, à la différence de ce qui est permis sur Twitter ou Instagram.

L’enjeu global sera de faire réfléchir les géants de la tech à leurs pratiques générales. "Si je peux évidemment me réjouir du meilleur référencement du mot #lesbienne sur Google, je déplore encore n’être pas parvenue à mobiliser suffisamment autour de l’impérieux besoin de créer une éthique des pratiques #SEO, d’une écoute plus attentive des pouvoirs publics", tweetait Fanchon Mayaudon-Courtel fin mars. Le combat pour l’égalité numérique ne fait que commencer.

Photo : Facebook de Fanchon Mayaudon-Courtel.

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