2022 M03 25
Vous vous souvenez quand Yuka a fait trembler la grande distribution ? En 2019, l’application qui scanne les produits alimentaires pour estimer un « nutri-score » poussait Intermarché à retirer les produits mal notés de ses rayons et Fleury-Michon à enlever tous les conservateurs de ses plats. Pourtant, l’appli n’échappe pas aux critiques : elle augmenterait de 10 % la note de tout produit « bio ». Un bonus vraiment justifié ? Si l'on en croit les épidémiologistes nutritionnels, oui. Mais avant de vérifier pourquoi, répondons d'abord à ça : c’est quoi le « bio » ?
Revenons aux racines
Le terme désigne tous les aliments provenant de l’agriculture biologique, elle-même encadrée par différents labels. Chacun a ses propres normes mais une doctrine centrale persiste : limiter - voire proscrire - les éléments chimiques de synthèse, en intrant comme en additif.
#Bio. Selon le 19ème baromètre de l’ @agence_bio, les Français ont toujours autant confiance dans le label AB. Phénomène nouveau néanmoins, la certification a moins recruté cette année et les accrocs au bio ralentissent leur #consommationhttps://t.co/BAWcusfGWk
— Isabelle Senand (@isabelle_senand) March 24, 2022
En France, le plus connu est le label AB (Agriculture Biologique). Adossé à la norme européenne Eurofeuille, il interdit tout OGM et l’usage d’hormones et d’antibiotiques. Il impose une distance de 10 mètres entre des cultures bio et conventionnelle et fixe à 95 % le minimum d’ingrédients bio dans des produits transformés. L’ANSES n'autorise ainsi la vente que de 363 produits alimentaires "bio", contre 2668 issus de l’agriculture conventionnelle.
Beaucoup de contraintes, mais pour quels résultats ? Le sujet est scruté par les chercheurs depuis des années et une étude française a recoupé les données collectées depuis 10 ans pour arriver à un constat clair : le bio garantit une meilleure santé et aide à vivre mieux plus longtemps.
Moins de risques de cancers et de maladies graves
C’est le premier point qui ressort de l’étude NutriNet-Santé, menée conjointement par l’INRAE, l’INSERM, l’université de la Sorbonne et le CNAM : une alimentation privilégiant les aliments bio réduirait de 25 % les risques de développer un cancer. En particulier, les femmes se nourrissant de fruits et de légumes biologiques développent 34 % moins souvent un cancer du sein.
De par son absence d’engrais de phosphate, l’agriculture bio limite aussi les contaminations aux métaux lourds ; le cadmium en particulier (associé aux cancers pulmonaires) est 50 % moins présents dans les produits biologiques.
Pesticides et santé : les conclusions inquiétantes de l’expertise collective de l’Inserm https://t.co/crLcnwr1Kl
— Le Monde (@lemondefr) July 1, 2021
75 % des fruits et légumes bios ne contiennent pas non plus de résidus de pesticides (ou moins de 0,01 mg/kg, provenant des épandages d’autres cultures disséminés par le vent ou les pluies), eux-mêmes associés aux risques de développer des cancers et des maladies dégénératives graves.
Le risque de développer la maladie de Parkinson par exemple est accru de 62 % en ingérant régulièrement des résidus de pesticides. D’autres études citent aussi les formes d’Alzheimer ou la maladie de Charcot... Un bilan qui a le mérite d’être clair : manger bio permet d’éviter des maladies mortelles.
Mieux qu’un régime
Certes, l’alimentation n’est pas le seul facteur cancérogène de nos vies, mais ses carences ou abus accentuent les risques. Ainsi, de nombreuses formes de cancers (dont ceux de l’utérus et du colon) touchent les personnes obèses. Or, abracadacra, selon BioNutriNet, manger bio réduit aussi les risques de surpoids de 36% et d’obésité de 31 %.
D’une manière générale, les consommateurs de produits bio ont une alimentation plus équilibrée et plus saine qui donne la préférence aux fruits et légumes mais aussi aux céréales et fruits secs (noisettes, amandes…). Ils préfèrent les sucres naturels aux friandises et sodas et évitent snacks, fast food, viandes et alcools. Un régime qui limite les risques de développer un diabète de type 2.
Autre bon point : une viande issue de l’agriculture biologique contient en moyenne 22 % plus d’oméga 3 (acides gras issus protégeant des maladies cardiovasculaires) qu’en agriculture conventionnelle, et un lait bio en contient + 56 %. Fruits et légumes contiennent eux jusqu’à 70 % d’antioxydants en plus, des nutriments qui protègent notre organismes du vieillissement. Bref, pour le dire en peu de mots, les produits bio boostent votre santé. Et la planète, elle déguste ?
Nourrir la Terre
Puisque l'agriculteur bio s’interdit tous les engrais de synthèse et pesticides, il empêche ceux-ci, à partir d’un certain seuil, de détruire les micro-organismes qui vivent sous la terre (bactéries, champignons…) et dont la suppression participe à stériliser les sols. Les « chimiques » de l'agriculture conventionnelle compliquent aussi la fixation de l’azote dans le sol, alors qu'elle est nécessaire à l’agriculture, et augmentent inutilement la résistance des ravageurs à long terme.
On accuse aussi les pesticides de faire des trous dans la biodiversité en supprimant des maillons de la chaîne alimentaire : en tuant certains vers, on oblige les oiseaux prédateurs à changer de région pour se nourrir. Ingérés par d’autres êtres vivants que leur cible, les pesticides suppriment aussi des espèces par ricochet : adieu abeilles, adieu oiseaux. Aux États-Unis, en 2011, une étude a comptabilisé 72 millions de volatiles victimes involontaires des divers pesticides. En résumé, les chimiques de l'agriculture intensive détruisent la biodiversité et affaiblissent la terre à long terme. Pas le bio.
A table ?
Moins gros, plus vite pourris, les produits bio sont moins attrayants. Mais ont-ils meilleurs goût ? Les agriculteurs évoquent parfois la rotation des cultures qui laisse le temps à la terre de régénérer ses propriétés nutritives, donnant de meilleurs produits. Le fait de ne les cueillir qu’une fois mûrs offre aussi une saveur complète aux fruits et légumes… sans toutefois pouvoir la garantir. Hé non, un légume bio n’est pas forcément meilleur en cuisine.
"si un quart des surfaces cultivées passait du conventionnel à l’agriculture #bio, près de la moitié de l’objectif d’une réduction de 50 % des produits phytosanitaires serait atteinte"https://t.co/7aHy1OLTNR
— Synabio (@synabio) March 24, 2022
Ceci posé, la majorité des agriculteurs bio vont respecter deux règles : cultiver des légumes de saison et éviter le froid, ce qui signifie qu’ils vendent des produits frais récoltés à maturité. Deux caractéristiques qui participent à la saveur.
En conclusion, le bio a-t-il tout bon ?
Presque. Même issues de l’agriculture biologique, des chips restent sur-grasses et probablement trop salées. Idem, pour l’environnement : il vaut mieux privilégier les circuits courts qu’importer des fruits bio cultivés de Côte d’Ivoire ou du Maroc. N’empêche, une étude de marché de 2020 montrait que 7 consommateurs sur 10 avaient déjà modifié leur alimentation depuis 2 ans pour manger plus sain, plus local ou passer au bio. Et ce n'est pas fini car, c'est bien connu, l'appétit vient en mangeant.