2023 M02 3
De loin, ça ressemble à un radiateur dessiné par Philippe Starck. De près, ce radiateur pas comme les autres abrite trois ordinateurs qui effectuent des calculs de données pour des entreprises – par exemple des studios d’animation ou cabinets d’architecture qui font de la modélisation 3D. Et la chaleur dégagée par les microprocesseurs est immédiatement dissipée afin de chauffer la pièce. Dans la résidence Les Sables, à Launaguet, les habitants se réchauffent l’hiver grâce à ces étonnants « radiateurs numériques ».
L’initiative revient au bailleur social Les Chalets qui, en 2020, a équipé les 59 appartements de cet immeuble de deux « ordinateurs-radiateurs » par logement : un dans le salon et un dans la chambre. La condition sine qua non pour les faire fonctionner est d’avoir la fibre optique afin de permettre le transit des données.
[#UnprojetQalway #6] Cette semaine, c’est le département de @HauteGaronne qui est mis à l’honneur avec la réhabilitation complète de la résidence « Les Sables » à Launaguet ! 💪
— Qalway (@Qalwaybyqarnot) March 22, 2022
(1/4) #PerformanceEnergetique #ENRR #GroupedesChalets pic.twitter.com/scsfvnjlTi
Stop au gâchis de chaleur grâce au data center
L’entreprise française Qarnot s’est spécialisée dans la récupération de ce qu’on appelle « la chaleur fatale informatique » : soit la chaleur émise par les serveurs. D’ordinaire, les data centers utilisent d’importants systèmes de climatisation pour que les composants informatiques ne surchauffent pas. Qarnot propose donc de décentraliser les centres de calculs dans ses radiateurs numériques, comme l'explique le président de l’entreprise Paul Benoit :
« Notre mission, c'est de déployer de la puissance informatique dans des bâtiments existants plutôt que dans des data centers, ce qui permet de valoriser la chaleur fatale informatique. »
À l’heure où la crise énergétique fait baisser le thermostat et ressortir les gros pulls du placard, il est effectivement dommage de « gâcher » cette bonne chaleur.
293 euros d’économie par an en moyenne pour les locataires
À l’achat, le bailleur a dépensé 2540 euros par logement, alors qu’un simple radiateur électrique coûte en moyenne 400 euros. Mais pour les habitants de la résidence, la facture de chauffage a fondu sous l’effet de ces radiateurs numériques, précise Pauline Dussol du Pôle réhabilitation du Groupe Les Chalets :
« Sur la première année d’utilisation, l’économie moyenne est de 293 euros par locataire. »
Certains résidents ont même vu leur mensualité d’électricité passer de 51 à 29 euros pendant les mois d’hiver.
Et rassurez-vous, ces chauffages numériques s’allument et se coupent selon le désir du locataire. La seule différence avec un radiateur électrique traditionnel est que le temps de chauffe est un peu plus long. Pour l’entreprise, ce sont des coûts en moins en termes d’espace de déploiement et de climatisation.
Présentation en #sketchnote du QH.1, le Radiateur-Ordinateur de @Qarnot, ou comment se chauffer gratuitement en effectuant des calculs informatiques complexes.#scribing #tech4good #TechForGood #economiecirculaire pic.twitter.com/3fkPJISkgA
— Eric T. (@tewoz) March 4, 2021
Piscines, bureaux, logements… quand les data centers chauffent la ville
Chauffer des bâtiments grâce aux data centers n’est pas nouveau : depuis 2012, en Seine-et-Marne, le centre aquatique du Val-d'Europe, une pépinière d’entreprises et les locaux d’une banque sont chauffés par des serveurs informatiques.
À Odense (Danemark), le centre de données de 50 000 m² de Facebook fournit suffisamment d’énergie pour chauffer près de 6900 foyers de la ville. Avec l’augmentation prochaine de la taille de ce data center, l’entreprise californienne annonce pouvoir chauffer près de 11 000 foyers odensés.
La généralisation du chauffage numérique aurait aussi l’avantage… de préserver la souveraineté numérique, comme l’explique Jonathan Klein, président et cofondateur de Tresorio, entreprise spécialisée dans le cloud :
« En général, les gros data centers sont aux États-Unis et de ce fait échappent aux lois françaises et européennes. Pensez, par exemple, au "cloud Act" qui permet à l'État américain d'aller capter de la donnée d'entreprises françaises. Cela présente de vrais risques de souveraineté et de sécurité, en particulier pour certaines données stratégiques. »
Redistribuer la chaleur tout en sécurisant les données des entreprises françaises : voilà qui promet au radiateur numérique un avenir radieux.
Crédit photo : Flickr Leonardo Rizzi.