2023 M01 26
« Les sociétés d'insectes sont des systèmes biologiques complexes, étroitement intégrés, dans lesquels les propriétés au niveau du groupe découlent des interactions entre les individus ». Ainsi comment un article publié le 30 novembre 2022 dans la revue Nature, et dans lequel des scientifiques révèlent une découverte fascinante. Les pupes (aussi appelées nymphes) de fourmis produisent une sorte de lait qui nourrit à toute la colonie.
Un liquide aux fonctions vitales
Le règne animal a encore bien des choses à nous apprendre, à en croire cette étude coécrite par Daniel Kronauer, biologiste à l’université Rockefeller (États-Unis). Jusqu'ici, les chercheurs croyaient les pupes de fourmis inutiles à la colonie, puisqu'elles ne bougent ni ne s'alimentent seules. Sauf que voilà, le corps de ces fourmis en développement produit en très grande quantité une substance ultra-nutritive que les adultes et les larves consomment.
Cette découverte s'applique à au moins une espèce de chacune des cinq grandes sous-familles de fourmis (en tout, il existe plus de 15 000 espèces). Surtout, elle est une nouvelle preuve de la solidarité incroyable qui existe dans une colonie. En effet, les scientifiques ont découvert qu'à la naissance, les bébés fourmis ont besoin de ce liquide de mue pour vivre, et autant que les bébés mammifères ont besoin de lait.
Pour informations, les pupes sont des fourmis entièrement développées, bien que recroquevillées et immobiles, le plus souvent blanches ou translucides. Parfois, elles sont protégées par un cocon. Ce sont les ouvrières qui placent les jeunes larves sur les pupes pour qu’elles se nourrissent de leurs sécrétions.
Créateur de liens sociaux
Adria Le Boeuf, myrmécologue à l’Université de Fribourg, confirme les observations de Daniel Kronauer et de ses collègues : ce liquide servirait aussi à renforcer les liens sociaux. À National Geographic, il explique que « ce liquide a pu contribuer à l’évolution du soin coopératif des couvées [des fourmis], car il incite les adultes à s’occuper des jeunes. »
Dans son article, Daniel Kronauer explique ceci : « les adultes le boivent également avec voracité et, bien que l’on ne sache pas exactement ce qu’il fait aux adultes, nous sommes convaincus qu’il a un impact sur le métabolisme et la physiologie. » Plus incroyable encore, l'étude révèle que lorsque les pupes sont isolées, elles finissent par se noyer dans le liquide qu'elles sécrètent... Les fourmis, à tous les stades de leur vie, semblent donc bel et bien dépendre les unes des autres.
Les fourmis sont étudiées depuis des décennies. Autant dire que les scientifiques pensaient plus ou moins tout savoir d'elles. Raté : cette découverte nous prouve encore que la nature est pleine de ressources, et que les sociétés animales peuvent être (elles aussi) très évoluées, voire même plus que leur principal prédateur : nous.