

Ces bonnes sœurs 2.0 lèvent 4 millions d’euros pour leur ferme écolo
Dans le Gers, les 32 sœurs de l'abbaye cistercienne de Boulaur ont lancé une cagnotte en ligne pour récolter 4 millions d’euros afin d'agrandir leur ferme bio et décupler leur production. Pour lever des fonds, elles ont fait leur pub sur les réseaux sociaux.
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Nichée au creux d’un petit vallon et lovée dans un écrin de cyprès, l’Abbaye de Boulaur est l’un des joyaux du Gers. Fondée en 1142, elle abrite aujourd’hui des sœurs cisterciennes, un ordre contemplatif qui obéit à la règle de saint Benoît : Ora et labora, la prière et le travail. On peut y louer des chambres à la décoration ascétique pour s’y offrir une paisible retraite spirituelle et participer aux offices chantés en grégorien dans l’abbatiale. Voilà pour la carte postale.
Une exploitation agricole 100 % bio en polyculture-élevage
Car dans la réalité, l’abbaye ressemble plutôt à une ruche en pleine effervescence. Les 32 sœurs, dont la moyenne d’âge est de 45 ans, ce qui est exceptionnellement jeune pour une communauté monastique, butinent sur les 45 hectares du domaine. Elles y ont créé une exploitation agricole 100 % bio en polyculture-élevage. La communauté élève des vaches et des cochons, cultive un verger, un potager et des champs céréaliers. Elle produit des confitures, des fromages, des pâtés et de la farine de sarrasin qu’elle vend sur les marchés locaux.
« Notre objectif, c’est de construire une étable, un laboratoire de transformation pour le fromage et la charcuterie et une boutique. »
Mais ces infatigables nonnes ont décidé de voir plus grand et de développer leurs activités. « C’est une nécessité économique pour la survie de notre communauté. Notre objectif, c’est de construire une étable, un laboratoire de transformation pour le fromage et la charcuterie et une boutique. Nous voulons multiplier notre production par quatre », détaille sœur Anne, en charge du projet.
Un projet mûri pendant cinq ans et qui se chiffre à 4 millions d’euros. Le coût, élevé, s’explique notamment par les contraintes architecturales. L’église romane et le cloître de l’abbaye sont en effet classés monuments historiques et on ne peut donc pas construire n’importe quoi sur le domaine.

Stars des réseaux sociaux
En plus de dons de mécènes, la communauté a levé des fonds auprès du Conseil régional d’Occitanie, de l’État et de la Communauté européenne. Pour boucler leur tour de table, ces nonnes ont décidé de lancer une grande campagne de souscription auprès des particuliers. Et comment faire connaître leur ambitieux projet depuis le fin fond du Gers sinon en investissant les réseaux sociaux ? La vidéo qui présente leur projet, publiée en janvier 2020, devient rapidement virale... tout comme les dons qui s’ensuivent.

Une start-up du XIIème siècle façon XXIème siècle
« Au moyen-âge, les abbesses montaient à cheval pour visiter leurs terres et leurs fondations. En ce sens, nous perpétuons les traditions. Notre projet, qui est un vrai projet d’entrepreneuriat féminin, c’est un peu une start-up du XIIème siècle façon XXIème siècle », s’amuse la mère abbesse.
Un an plus tard, ces bonnes sœurs 2.0, devenues des expertes d’Instagram, de Facebook et de Youtube, se sont aussi muées en cheffes de chantier. Elles dirigent désormais une quinzaine d’entreprises locales du bâtiment qui s’affairent sur leurs terres, sans compter les 500 volontaires qui se sont succédés depuis des mois pour leur prêter main forte.
Encore plus écolos
L’étable et les ateliers de production sont quasiment achevés. La construction de la nouvelle boutique est lancée. La trentaine de vaches et la vingtaine de cochons dormiront bientôt au chaud. Et le potager et le verger, cultivés en permaculture, seront prochainement étendus.
« Même si nous grandissons, nos principes restent les mêmes : un fort ancrage au territoire local, du 100 % bio, des circuits courts ou de la vente directe. Notre volonté est d'accentuer encore nos efforts en matière de développement durable et d’écologie. Nous allons mettre en place du séchage en grange afin de limiter au maximum l’utilisation des tracteurs et créer un nouveau bassin de rétention, pour réaliser des économies d’eau », conclut sœur Anne. Tout là-haut, dans le ciel bleu gersois, saint Benoît doit être bien fier de ses disciples écolos...