Chiens renifleurs de Covid : une initiative française... qui peine à décoller en France

Au moins deux projets de formations de chiens détecteurs du virus sont nés dans l’Hexagone depuis le début de la crise de la Covid-19 en mars. Problème : ils rencontrent un joli succès… à l’étranger.

Les images sont familières : des chiens tenus en laisse par des militaires reniflent voyageurs et objets dans les allées d’un aéroport. Ils passent nonchalamment entre les passagers, puis s’arrêtent net ou s’agitent quand ils sentent quelque chose. La nouveauté réside dans ce qu’ils recherchent, à savoir des traces du virus qui nous rend la vie impossible depuis le début de l’année.

Depuis fin septembre, la Finlande est le premier pays européen à expérimenter des chiens « renifleurs » de Covid-19, ou plus précisément formés à détecter l’odeur des personnes contaminées après des prélèvements sur leur corps, en principe les aisselles (sur la base du volontariat). Une lingette spéciale est appliquée sur la peau, puis présentée au chien. Si l’échantillon est négatif, l’animal continue sa route. Mercredi dernier, les chercheurs scandinaves à l’origine du projet annonçaient que le taux de réussite équivalait peu ou prou à celui des tests PCR. Trois canidés ayant reniflé plus de 2000 passagers à l’aéroport de Helsinki-Vantaa auraient en effet détecté le virus chez 0,6 % des voyageurs.

« Les premières expériences ont montré que les chiens tombaient juste dans quasiment 100% des cas, et ce jusqu’à cinq jours avant les tests PCR », précise à l'AFP la directrice du projet finlandais, Soile Turunen. Il s'avère que la Finlande n’est pas le premier pays au monde à avoir recours au meilleur ami de l’Homme pour détecter le nouveau coronavirus. Les Émirats Arabes Unis ont été pionniers en la matière, adoptant l’étonnante méthode dès la mi-août. Cet été, leurs chiens policiers connaissaient déjà un taux de succès de 92%. Tout comme au Liban. Le comble ? Certains ont été formés… en France.

Quinze pays travaillent avec l’équipe française de Nosaïs

C’est le projet Nosaïs, synergie regroupant plusieurs établissements (laboratoire de neuroscience de l’olfaction à Lyon, des spécialistes cynotechniques hexagonaux, un groupement d’hôpitaux franciliens…) qui est à l’origine de cette inédite formation. Elle est pilotée par l’Unité de médecine de l’élevage et du sport de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, avec à sa tête Dominique Grandjean, professeur-vétérinaire et colonel de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, en charge des équipes cynotechniques.

Habituée des entraînements divers liés au « dépistage précoce d’affections chroniques graves pour l’Homme », elle a mis en pause dès le mois de mars ses traditionnels programmes (dépistage des cancers, drogue…) pour se consacrer à la Covid-19.

« Nosaïs devait faire ses premiers pas sur la détection du cancer de la vessie ce mois-ci, mais nous avons décidé de repousser celle-ci, afin d'apporter une aide dans la crise sanitaire actuelle », préviennent les intervenants de la structure. Depuis le lancement de cette opération, quinze pays travaillent avec l’équipe, du Mexique à l’Argentine, en passant par l’Australie et, donc, les Émirats Arabes Unis. Seulement, sans soutien officiel, ni de la part du ministère français de la Santé, ni des Agences Régionales de Santé, le programme ne décolle pas en France.

« On nous envoie des chiens du Moyen-Orient pour qu'on les forme, les gouvernements paient le transport, sont demandeurs... Et en France, c'est comme si on n'existait pas », confiait très récemment Dominique Grandjean à France 3 Corse, l’île de beauté ayant été le seul département décidé, via son ARS et son préfet, à tester le dispositif dès le début de la crise du coronavirus, avant de l’abandonner faute de budget. « Le problème, c'est que l'on a affaire à des technocrates de la médecine. Ils n'ont jamais vu un malade ! », concluait-il, amer.

Joint au téléphone trois semaines plus tard par Les Éclaireurs, il ne décolère pas : « Il demeure un sentiment de mépris total du travail fait concernant les capacités de détection bien réelles des chiens français. L’enthousiasme vis-à-vis des résultats obtenus par les chiens dans tous les pays engagés est évident. Tous les pays sauf un... »

Pourtant, un tel pré-dépistage canin, fait en direct avec une grande rapidité, faciliterait le contact tracing des personnes positives en accélérant la procédure de tri, notamment aux frontières. La méthode aurait-elle pu éviter un reconfinement et favoriser une reprise de l’économie ? « La validation de ce test pourrait présenter un grand intérêt lors de la procédure de déconfinement et en l’occasion de possibles vagues épidémiques futures », promet Nosaïs.

« Les premières expériences ont montré que les chiens tombaient juste dans quasiment 100% des cas (Soile Turunen, directeur du projet finlandais) »

D’autres initiatives ont vu le jour

Si l’Organisation mondiale de la Santé et les Académies de médecine et vétérinaire ont récemment approuvé l’expérience Nosaïs (une possible victoire pour les personnes impliquées), le projet est tout de même au point-mort. Six chiens sont pourtant opérationnels : deux en Corse, trois en Seine-et-Marne et un dans l'Oise.

D’autres initiatives ont vu le jour depuis mars, comme le bien-nommé COVIDOG, projet de trois chercheurs de l’Université de Strasbourg, Christophe Ritzenthaler, Philippe Choquet et Yves Rémond. En juin, ces derniers ont cependant dû lancer une campagne de financement participatif, pour pouvoir commencer les entraînements.

« Pourquoi ne pas travailler ensemble, sachant que nous entraînons nos chiens depuis sept mois déjà ?, se demande Dominique Grandjean. De notre côté, nous sommes ouverts à une coopération, même si le CNRS travaille sur les cultures cellulaires et nous sur la sueur et les composés organiques volatils spécifiques au virus. Il y a une complémentarité évidente ».

À Strasbourg, on assure encore aujourd'hui que « le protocole permettra une diffusion rapide et nationale de [la] méthode, notamment en Alsace ». Néanmoins, la lenteur de l’administration française en a pour l’instant décidé autrement. Seuls quelques dons privés leur ont en effet permis de débuter leur expérience localement. Presqu’un an après le début de la crise de la Covid-19 et malgré les résultats prometteurs des chiens renifleurs dans de nombreux pays.

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